Il est de bonne guerre au cinéma de porter à l'écran des romans ou des nouvelles. Souvent la qualité est inégale, tout autant que celle des romans d'ailleurs. Souvent les adaptations déçoivent car elles reflètent mal l'univers du roman ou s'en démarquent trop. L'actualité cinématographique de ce mois d'octobre nous a proposé le passage sur grand écran de deux textes considérés pour l'un comme un classique de la littérature française, pour l'autre comme un des grands succès littéraires allemands des vingt dernières années.

Je ne m'étalerai pas trop sur l'adaptation trop libre du Grand Meaulnes réalisée par Jean-Daniel Verhaeghe. Bien que durant une heure quarante, ce long-métrage souffre de lourdeurs qui insupportent rapidement le spectateur le plus patient. Jean-Baptiste Maunier, vu dans les Choristes, porte mal la moustache et se révèle assez peu crédible en jeune instit de campagne alors qu'il n'a pas fini sa mue. Mais ce qui est plus décevant encore, c'est la façon dont Verhaeghe a travesti le roman au point de faire d'Yvonne de Galais une des pièces centrales du film alors qu'Alain-Fournier l'évoque à peine.
On pourra toujours dire qu'il s'agit d'un parti pris scénaristique, d'un procédé de suspense nécessaire pour maintenir en éveil le spectacteur. Le talent convaincant de Clémence Poesy (vue dans le dernier Harry Potter) à incarner cette Yvonne fantasmée par Verhaeghe fait perdre de sa cohérence au film et l'éloigne définitivement des bonnes adaptations de romans. Même un enseignant aura du mal à tirer parti de cette adaptation pour des cours sur le roman d'Alain-Fournier.
www.tfmdistribution.fr/legrandmeaulnes/

Passons plutôt à autre chose et à la relative bonne surprise qu'a constitué Le Parfum, histoire d'un meurtrier. Tom Tykwer, réalisateur de Cours, Lola! cours ! a hérité de la redoutable tâche de porter le texte de Patrick Süskind à l'écran. Originellement, Süskind pensait que son roman serait porté à l'écran par Stanley Kubrick. Mais le maître britannique jugea le livre inadaptable si bien que voir Grenouille, orphelin à l'odorat surdéveloppé, finit par devenir un serpent de mer de la production cinématographique : le projet ressurgissait sans jamais se concrétiser. La gageure relevait surtout de porter par l'image un univers romanesque fondé essentiellement sur l'odorat.
Au terme des deux heures et demie, les sentiments du spectateur sont contradictoires. L'ambiance glauque de Paris, les odeurs enivrantes de Grasse sont bien retranscrites : la photographie, la lumière et des angles de caméra mettent très bien l'histoire en valeur. Ben Whishaw est plus que convaincant : son jeu fait ressortir le côté animal et prédateur de Grenouille. Car à défaut de dialogues nombreux, c'est bien par son jeu, ses attitudes que Whishaw nous donne à voir la monstruosité de Grenouille. Alan Rickman qu'on a plutôt l'habitude de voir dans les adaptations d'Harry Potter est parfaitement en place en père surprotecteur de la toute jeune et resplendissante de fraîcheur Rachel Hurd-Wood, proie du chasseur d'odeur qu'est Grenouille. Dustin Hoffman assure un Cesare Baldini qui rappelle, toute proportion gardée, Salieri dans Amadeus.
Ensuite la deuxième partie du livre qui procédait de la métaphore en prend pour son grade. Tykwer expose clairement une gigantesque orgie sexuelle que Süskind évoquait à mots couverts . Il faut dire qu'à dix-sept ans, je ne maîtrisais pas la subtilité de la métaphore filée ou de l'hyperbole. Autre élément que j'avais oublié, quinze ans après ma découverte du Parfum: la surprotection dont souffrait la demoiselle Richis ne semble trouver de fin que dans le fait d'accepter son meurtre par Grenouille. L'ensemble est porté par une musique composée par le réalisateur, donc en parfaite symbiose avec l'image... Les choeurs éthérés et solos de harpe supportent très bien ce que Tykwer nous donne à voir.
Bref on peut dire que Tykwer a su à la fois préserver l'essence du livre (essence, parfum : jeu de mots laids!) et proposer une mise en scène personnelle mais cohérente avec l'esprit du livre. Si le film est encore projeté près de chez vous, n'hésitez pas un instant. Pour une fois, évitez la VO pour éviter une prononciation trop anglaise des patronymes français.
Pour le plaisir, je n'hésite pas à mettre l'affiche US du Parfum:


Je ne m'étalerai pas trop sur l'adaptation trop libre du Grand Meaulnes réalisée par Jean-Daniel Verhaeghe. Bien que durant une heure quarante, ce long-métrage souffre de lourdeurs qui insupportent rapidement le spectateur le plus patient. Jean-Baptiste Maunier, vu dans les Choristes, porte mal la moustache et se révèle assez peu crédible en jeune instit de campagne alors qu'il n'a pas fini sa mue. Mais ce qui est plus décevant encore, c'est la façon dont Verhaeghe a travesti le roman au point de faire d'Yvonne de Galais une des pièces centrales du film alors qu'Alain-Fournier l'évoque à peine.
On pourra toujours dire qu'il s'agit d'un parti pris scénaristique, d'un procédé de suspense nécessaire pour maintenir en éveil le spectacteur. Le talent convaincant de Clémence Poesy (vue dans le dernier Harry Potter) à incarner cette Yvonne fantasmée par Verhaeghe fait perdre de sa cohérence au film et l'éloigne définitivement des bonnes adaptations de romans. Même un enseignant aura du mal à tirer parti de cette adaptation pour des cours sur le roman d'Alain-Fournier.
www.tfmdistribution.fr/legrandmeaulnes/

Passons plutôt à autre chose et à la relative bonne surprise qu'a constitué Le Parfum, histoire d'un meurtrier. Tom Tykwer, réalisateur de Cours, Lola! cours ! a hérité de la redoutable tâche de porter le texte de Patrick Süskind à l'écran. Originellement, Süskind pensait que son roman serait porté à l'écran par Stanley Kubrick. Mais le maître britannique jugea le livre inadaptable si bien que voir Grenouille, orphelin à l'odorat surdéveloppé, finit par devenir un serpent de mer de la production cinématographique : le projet ressurgissait sans jamais se concrétiser. La gageure relevait surtout de porter par l'image un univers romanesque fondé essentiellement sur l'odorat.
Au terme des deux heures et demie, les sentiments du spectateur sont contradictoires. L'ambiance glauque de Paris, les odeurs enivrantes de Grasse sont bien retranscrites : la photographie, la lumière et des angles de caméra mettent très bien l'histoire en valeur. Ben Whishaw est plus que convaincant : son jeu fait ressortir le côté animal et prédateur de Grenouille. Car à défaut de dialogues nombreux, c'est bien par son jeu, ses attitudes que Whishaw nous donne à voir la monstruosité de Grenouille. Alan Rickman qu'on a plutôt l'habitude de voir dans les adaptations d'Harry Potter est parfaitement en place en père surprotecteur de la toute jeune et resplendissante de fraîcheur Rachel Hurd-Wood, proie du chasseur d'odeur qu'est Grenouille. Dustin Hoffman assure un Cesare Baldini qui rappelle, toute proportion gardée, Salieri dans Amadeus.
Ensuite la deuxième partie du livre qui procédait de la métaphore en prend pour son grade. Tykwer expose clairement une gigantesque orgie sexuelle que Süskind évoquait à mots couverts . Il faut dire qu'à dix-sept ans, je ne maîtrisais pas la subtilité de la métaphore filée ou de l'hyperbole. Autre élément que j'avais oublié, quinze ans après ma découverte du Parfum: la surprotection dont souffrait la demoiselle Richis ne semble trouver de fin que dans le fait d'accepter son meurtre par Grenouille. L'ensemble est porté par une musique composée par le réalisateur, donc en parfaite symbiose avec l'image... Les choeurs éthérés et solos de harpe supportent très bien ce que Tykwer nous donne à voir.
Bref on peut dire que Tykwer a su à la fois préserver l'essence du livre (essence, parfum : jeu de mots laids!) et proposer une mise en scène personnelle mais cohérente avec l'esprit du livre. Si le film est encore projeté près de chez vous, n'hésitez pas un instant. Pour une fois, évitez la VO pour éviter une prononciation trop anglaise des patronymes français.
Pour le plaisir, je n'hésite pas à mettre l'affiche US du Parfum:

Commentaires