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Un enterrement sui generis retrouvé à Avendaños, Chihuahua


A Don Raymundo Guerrero (QEPD), orgulloso de sus raíces norestenses

Un bulletin de l’INAH publié le 10 juillet dernier fait état de ce qui pour bon nombre de mexicanistes serait une curiosité, mais est une confirmation pour les experts du nord du Mexique et de la Sierra Madre Occidentale. On apprend ainsi que dans une caverne située à proximité du hameau d’Avendaños, situé sur la commune de San Francisco de Borja, un agriculteur et son fils ont fait une découverte de grand intérêt qu’ils se sont empressé de rapporter à l’INAH.

C’est le directeur de l’École d’Anthropologíe et d’Histoire du Nord du Mexique, Emiliano Gallaga, qui fut chargé de suivre ce cas. Accompagné de l’Académie d’Archéologie de cette institution, ils ont procédé à une étude de différents vestiges qui furent récupérés par les habitants du lieu. Rappelons qu’il convient de ne pas déplacer des vestiges archéologiques, quand bien même il s’agit de le protéger d’éventuels pilleurs: le contexte des objets est aussi important que les objets en tant que tels.

Ils pourraient en fait provenir de paquets mortuaires conservés dans une grotte. Parmi les objets remis aux archéologues, ont été identifiés deux crânes d’hommes adultes, plusieurs os longs, un panier, une base en vannerie servant à poser une jarre, un fragment de textile, un cordon en coton, de la peau humaine, un sac en peau de cerf, un coquillage et la tête momifiée d’un ara rouge. Selon les informateurs qui rapportèrent cette tête, le reste du corps de l’animal était encore mêlé à la terre. Il s’agirait alors du premier exemplaire d’ara complet retrouvé dans un contexte funéraire.

Matériel archéologique décontextualisé, Avendaños, Chihuahua.
Crédit photo : E. Gallaga / INAH.
La présence de l’ara peut paraître surprenante : s’il est naturellement présent dans les forêts tropicales du sud et de l’est du Mexique jusqu’au nord de l’Argentine, l’ara rouge faisait partie des produits échangés avec d’autres régions de l’ancien Mexique. Braniff rappelle que le site de Snaketown, dans le sud-ouest américain, nous fournit les premières preuves archéologiques de sa présence datées entre 750 et 850 de notre ère  (2009: 33-34). Pour la chercheuse mexicaine, reprise partiellement par Gallaga, il est possible que, pour ces groupes du nord, cet animal ait revêtu un symbolisme solaire, à l’instar de ce que pensaient les Aztèques (2009: 34). Le site de Paquime, situé à la frontière (actuelle) avec les États-Unis, semble même avoir développé l’élevage de ces psitacées afin de ne plus dépendre des aléas liés à leur transport depuis des régions aussi éloignées. Gallaga précise que les plumes bleues-vertes de l’ara étaient probablement liés à l’eau et à la fertilité.

Ara bandera ou macao.
Crédit photo : Dirk Vorderstrasse / Wikipedia
Disponible le 31/07/2016 : http://es.wikipedia.org/wiki/File:Ara_macao_-Munster_Zoo,_Germany-8a.jpg 

L’autre élément importé est le coquillage, originaire probablement des eaux bordant l’état actuel du Sinaloa. Là encore, le lien avec la fertilité est probablement la piste à suivre pour expliquer sa présence. Ces deux éléments nous montre en tout cas comment cette partie de la Sierra Madre Occidentale était située sur un couloir commercial de grande importance.

Les vestiges montrés par le propriétaire du terrain à l’archéologue avaient beau être fragmentaires et décontextualisés, ils devaient cependant former la partie émergée d’un iceberg. Une fouille de sauvetage a donc été menée sur le lieu indiqué par les informateurs. Dans une tranchée longue de 25 m, ils ont d’abord observé la présence des restes d’une construction faite de branches au sol en terre. Différents fragments des murs bas qui soutenaient les parois en bois ont révélé l’empreinte d’une main.

Empreinte de main sur les restes d’un mur en mortier, Avendaños, Chihuahua.
Crédit photo : E. Gallaga / INAH.

C’est là que 30 pointes de flèches remontant à l’Archaïque ancien-moyen et des fragments de charbon, de maïs et d’épis égrainés ont été déposés. Ce dernier élément a été envoyé en laboratoire pour datation.

Dans une autre partie de la tranchée, les archéologues ont enregistré la présence des jambes et du pelvis d’un corps qui fut apparemment déplacé d’une autre tombe. La longueur des ossements laisse penser qu’il s’agissait probablement d’un individu de grande taille.

Pour l’heure, les chercheurs ignorent à quelle culture pouvaient appartenir tous ces vestiges. Ils sont pourtant antérieur au site de Paquime, référence culturelle dans la région. Gallaga propose une chronologie relativement ample qui sera probablement précisée grâce aux différentes études et analyses actuellement en cours, entre 700 et 1400 de notre ère. L’éventuelle présence d’un ara enterré intentionnellement aux côtés d’un défunt nous rappelle que cette ville disposait de sa propre volerie où de nombreux aras avaient été importés de leur région tropicale.

Bibliographie
Braniff Cornejo, B. (2008). Paquimé. Mexico: Fondo de Cultura Económica.

Braniff Cornejo, B. (2009). Comercio e interrelaciones entre Mesoamérica y La Gran Chichimeca. Janet Long Towell & Amalia Attolini Lecón (coords.), Caminos y Mercados de México, México: Universidad Autonóma de México; Instituto Nacional de Antropología e Historia, 27-50. Recuperado el 31/07/2016: http://www.historicas.unam.mx/publicaciones/publicadigital/libros/caminosymercados/mercados.html

Mathiowetz, M. D. (2011). The Diurnal Path of the Sun: Ideology and Interregional Interaction in Ancient Northwest Mesoamerica and the American Southwest. Riverside: University of California.

Long Towell, J., & Lecón, A. A. (2010). Caminos y mercados de México. Mexico: Universidad Nacional Autónoma de México; Instituto Nacional de Antropología e Historia.

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