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Sur les nouvelles données du Huey Tzompantli

Après un lamentable épisode de communication gouvernementale ratée sur les découvertes du Temple d’Ehecatl et du Grand Tzompantli de Tenochtitlan il y a quelques semaines (Mexique ancien, 2017 ; INAH, 2017), l’archéologie reprend ses droits.

Le Programme d’Archéologie Urbaine, brillamment dirigé par Raul Barrera, poursuit depuis la lente récupération et étude des vestiges du Grand mur de crânes, cet ouvrage sidérant décrit entre autres par Tapia (2008).

Tzompantli, Templo Mayor, Mexica, Postclassique.
Crédit photo : PAU/INAH récupéré de  http://www.nationalgeographic.com.es/medio/2017/07/04/mexico1_025cbc4a_800x551.JPG .

C’est celui dédié à Huitzilopochtli qui est actuellement fouillé par Barrera. Il a la forme d’une tour conique atteignant 6 m de diamètre à la base. Un échantillon de 70 crânes (correspondant à 10500 fragments) a été composé pour qu’ils soient catalogués, dessinés, numérisés et photographiés. Pour Barrera, il est difficile d’estimer précisément combien de crânes ont été regroupés à cet endroit.

Selon Barrera, ces crânes étaient originellement placés sur un autre tzompantli, perforés de chaque côté. Avec le temps, il n’est pas impossible qu’ils soient tombés du pâle qui les retenaient ou qu’ils aient été remplacés par d’autres. Dès lors, leur usage changea et ils pourraient avoir été “recyclés” pour la construction de ce huey tzompantli.

Selon Lorena Vázquez, les résultats d’anthropologie physiques ont établis que seulement 2% des crânes correspondaient à des individus non adultes. En ce qui concerne le genre des victimes, seulement 3% de l'échantillon ont pu livrer un verdict : 2% correspondent à des hommes et 1 % à des femmes. Des analyses supplémentaires de cet échantillon chercheront à établir l’origine ethnique et géographique de ces personnes. Cela remet en cause l'idée que les archéologues avaient de l'origine des victimes de décapitations. Motolinia (1979: 42) estimait qu'ils s'agissait de prisonniers de guerre, et que leurs chefs étaient même dépecés. 

Cette mise à jour nous donne une image plus précise des coutumes rituels. Mais il ne s’agit en rien, comme le proclame Roca Barea (2017) dans le quotidien espagnol El Mundo, d’un Holocauste. Si le terme grec holocauste fait bien référence à un sacrifice multiple, l’Holocauste est une des pièce centrale de la folie nazie. Attention à ne pas galvauder un terme ni un des moments tragiques de l’Histoire par simple effet de sensationnalisme ou pire, par ignorance. Comme le dit Raul Barrera, il s’agit d’ “un culte à la vie au moyen de la mort”, l’idée étant de fournir au Soleil l’énergie dont il a besoin pour poursuivre son chemin.

Pour les plus hispanophones de nos lecteurs, nous invitons à voir ce court reportage accessible sur la chaîne INAHTV (2017, 10 juillet). On notera l’absence de bulletin de l’INAH et de communiqué officiel autant de la part du Secrétariat à la culture que de la Présidence de la République.


Bibliographie
Forsmann, A. (4 juillet 2017). Hallan calaveras de mujeres y de niños en el Gran Tzompantli de la antigua Tenochtitlán. National Geographic España. [en ligne] retrouvé de http://www.nationalgeographic.com.es/historia/actualidad/hallan-calaveras-mujeres-ninos-gran-tzompantli-antigua-tenochtitlan_11689/1

[INAH TV]. (2017, 10 juillet). El Huey Tzompantli del Recinto Sagrado de Tenochtitlan [fichier vidéo]. Récupérée de https://youtu.be/4ONg6-HB0O4.

Mendoza, R. (2007). The Divine Gourd Tree. Tzompantli Skull Racks, Decapitation Rituals,and Human Trophies in Ancient Mesoamerica. Chacon, R.J., Dye, D.H. (éds.) The Taking and Displaying of Human Body Parts as Trophies by Amerindians, 403-443. Boston : Springer. [archivo facsimilar] recuperado de https://www.academia.edu/197123/The_Divine_Gourd_Tree_Tzompantli_Skull_Racks_Decapitation_Rituals_and_Human_Trophies_in_Ancient_Mesoamerica.

Roca Barea, M.E. (2017, 10 juillet). Las pruebas que confirman el Holocausto azteca. [en ligne] El Mundo. Récupéré de http://www.elmundo.es/cultura/2017/07/10/59629aefe5fdea89338b45ff.html.

Tapia, A. de. (2008). Relación de la Conquista de México. Mexico: Gandhi.

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