Accéder au contenu principal

Sur les offrandes 178 et 179 du Grand Temple de Tenochtitlan

En dépit des incertitudes qui planent sur l'avenir du Proyecto Templo Mayor, l'équipe dirigée par Leonardo López Luján continue de fouiller sans être payée depuis plusieurs mois. Il y a quelques semaines, une dépêche de l'agence Reuters, reprise notamment par le portail de la National Geographic Society, fait état de nouvelles découvertes significatives. 

L'offrande 174 fouillée par Alejandra Aguirre avait notamment mis au jour les restes d'une louve décorée d'attributs précieux que nous avions commentés lors de deux entretiens pour Raíces UDEM, le premier avec Alejandra Aguirre, le second avec Karina López. Entre autres choses, 23 objets en or, 11000 fragments d'origine organique et 800 objets élaborés à partir de différents matériaux.


Ofrenda 174.
Photo : Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor.


Loba de la ofrenda 174.
Photo : Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor.
L'offrande 178 est pour sa part toujours en cours de fouilles. Miguel Báez Pérez et Tomás Cruz ont cependant donné à connaître à la presse les premiers résultats de leurs explorations, l'INAH n'ayant diffusé aucune information sur son site officiel, ses réseaux sociaux ou sur sa chaîne Youtube. 

Exploration préliminaire de l'offrance 178.
Photo : Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor.
De forme rectangulaire, le dépôt est située dans la partie centrale du cuauhxicalco, cette construction circulaire qui fut dégagée par le Programme d'Archéologie Urbaine dirigé par Raul Barrera. Une partie du cuauhxicalco est d'ailleurs visible dans le nouveau vestibule à l'entrée de la zone archéologique. 


Miguel Báez Pérez excavando la ofrenda 178.
Photo: Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor
L'élément de taille de cette offrande consiste en un jaguar femelle notablement décoré, vêtu avec des attributs de guerrier. C'est la première fois qu'on retrouve cet animal préparé de cette manière. Sur la partie postérieure de son dos était attaché un disque en bois. Sa tête est orientée vers l'ouest. Sur la photo ci-dessous, on aperçoit clairement la présence de coraux, de différents types de coquillages et d'étoiles de mer Pentaceraster cumingi, originaires de l'océan Pacifique. Des fibres végétales ont été aussi détectées.


Ofrenda 178 du Templo Mayor.
Photo: Miguel Báez Pérez / Proyecto Templo Mayor.
Baéz Pérez et Cruz ont également noté la présence de poissons-globes


Poisson-globe, offrande 178, Templo Mayor.
Photo : Miguel Báez Pérez / Proyecto Templo Mayor.
Les squelettes de deux spatules rosée, de la famille des ibis, ont été également enregistrés. 

Spatule rosée.
Photo : Mwanner / Wikimedias
En terme d'iconographie et de cosmovision préhispanique en général, aztèque en particulier, le jaguar est un animal clé et fondateur, associé à la nuit, à la guerre et à plusieurs divinités comme Tezcatlipoca. Le disque en bois serait, selon nos informations recueillies directement auprès de Báez Pérez, un anahuatl, attribut typique de Tezcatlipoca ou de Huitzilopochtli. 


Tezcatlipoca, Codex Borgia.
Source : Wikimedia.

Loin d'être une coïncidence, l'enfant sacrifié et déposé dans une cache cylindrique avait également un anahuatl accroché sur la poitrine. Les trois offrandes que nous mentionnons sont toutes trois alignées dans l'axe du temple d'Huitzilopochtli, divinité liée également à la guerre. Le propulseur et les spatules rosée sont d'autres éléments propres aux guerriers. La présence marquée d'animaux aquatiques peuvent faire référence, comme le propose Báez Pérez, à un des au-delàs aztèques. Mais il est tout aussi probable qu'il s'agisse de l'océan primordial, comme c'est le cas d'autres offrandes.

L'offrande 179 est la dernière ligne de front en cours d'exploration, avec déjà une belle surprise. Si le copal est fréquemment retrouvé dans ce type de contexte, il est rare d'observer des barres complètes de cette résine. 


Barres d'encens, offrande 179, Templo Mayor.
Photo : Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor.


Découvert fin 2018, l'offrande 178 réserve probablement encore de nombreuses surprises puisque Baez estime à 18 mois le temps nécessaire et à 10% l'enregistrement de la fouille. Pour l'heure, elle permet à l'équipe dirigée par Leonardo López Luján de relancer l'hypothèse proposée il y a déjà plus d'une décennie : les cendres d'un ou plusieurs tlatohque, notamment Ahuizotl contemporain des vestiges retrouvées, seraient déposées sous le cuauhxicalco, au pied de la grande pyramide.

Références
Alire Garcia, D. (25 mars 2019). Exclusive: Aztec war sacrifices found in Mexico may point to elusive royal tomb. Reuters. [URL] https://www.reuters.com/article/us-mexico-archaeology-aztecs-exclusive/exclusive-aztec-war-sacrifices-found-in-mexico-may-point-to-elusive-royal-tomb-idUSKCN1R60ER


Forssmann, A. (26 mars 2019). Hallada una ofrenda azteca de un jaguar junto al Templo Mayor, en México. National Geographic España. [URL] https://www.nationalgeographic.com.es/historia/aztecas-hallada-ofrenda-jaguar-junto-templo-mayor-ciudad-mexico_14076


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Des restes humains anciens découverts sur le site de la Morita, Nuevo León

Des archéologues ont mené des recherches dans la grotte préhistorique La Morita II, à Nuevo León, lors de la phase II et III de la saison de fouilles 2023-2024. Ils ont découvert des restes humains datant de 2 500 à 3 000 ans avant notre ère, accompagnés de fragments de vannerie, de textiles et de fibres, probablement issus du linceul qui les enveloppait.  Fouilles des phases II et III, La Morita, Nuevo León. Photo : Moisés Valadez, INAH. L'exploration, menée par l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire (INAH) et le Centre INAH Nuevo León, a également permis de trouver des ustensiles et des outils à usage domestique-rituel. Selon l'archéologue Moisés Valadez Moreno, les restes humains comprennent des phalanges, des métatarsiens, un cubitus, un humérus, plusieurs côtes et des dents, correspondant probablement à un bébé et deux adolescents en raison de la présence d'os de petite taille. Il est probable que les restes aient été délibérément démembrés et d...

Huey tlamatini Miguel León-Portilla

In cuicapicqui Ninonpehua, nihuelncuica ompa ye huitz Tollanitic,  nihuelicuica, otozcuepo, motoma xochitl Huel xiccaqui ye mocuic: cuicaichtequini ¿quen ticcuiz, noyol? Timotolinia yuhquin tlacuilolli huel titlani, huel xontlapalaqui at ahihuetzian timotolinia (León-Portilla, 2012, 148-159) On n'espérait pas entendre cette annonce dans les journaux télévisés mexicains, sur les réseaux sociaux, les pages de centres de recherches. Voilà plusieurs mois que Miguel León-Portilla était hospitalisé pour des soucis bronchopulmonaires et semblait se récupérer lentement, comme l'indiquait son épouse Ascención Hernández en mai dernier au quotidien Milenio . Finalement, le chercheur mexicain probablement le plus récompensé jusqu'à présent n'a pas résisté plus longtemps. Lire son CV sur le site de l'Instituto de Investigaciones Históricas vous permettra de vous faire une idée de son importance pour les sciences mexicaines. Réduir...

Guiengola : Une cité zapotèque révélée par le LiDAR

L'archéologie, cette quête passionnante du passé, se réinvente constamment grâce aux avancées technologiques. Aujourd'hui, c'est le LiDAR (Light Detection and Ranging), une technologie de télédétection par laser, qui nous offre un aperçu fascinant d'une civilisation méconnue : les Zapotèques de la période Postclassique tardive (environ 1200-1521 après J.-C.). Le site de Guiengola, au sud-est de l'État d'Oaxaca au Mexique, a récemment révélé ses secrets grâce à cette technologie révolutionnaire.  Avant l'utilisation du LiDAR, Guiengola était un site archéologique peu connu, partiellement exploré par des méthodes traditionnelles. La végétation dense et le terrain accidenté rendaient les explorations difficiles et limitaient notre compréhension de ce qui pouvait se cacher sous la surface. Mais l'arrivée du LiDAR a changé la donne.  Fig. 1. Carte du site archéologique de Guiengola, Oaxaca. L'avantage du LiDAR est sa capacité à couvrir de vastes zon...