Cela faisait un moment que ce carnet ne vous proposait pas de nouvelles informations sur Chichen Itza. Quel meilleur endroit pour rédiger le 1300e billet de carnet ? Dans les derniers jours, une nouvelle fait le tour des rédactions mexicaines et elle est de taille : Gerardo Cifuentes, Esteban Hernández, René Chávez sont chercheurs à l'Institut de géophysique et Andrés Tejero à la Faculté d'Ingénierie de l'Université Nationale Autonome du Mexique. A proprement parlé, ces messieurs ne sont donc pas des archéologues cependant une tomographie électrique tridimensionnelle effectuée au moyen d'un résistomètre remettent durablement en cause notre perception symbolique de ce monument.
Comme souvent en archéologie, c'est en cherchant autre chose que cette découverte a eu lieu. Il y a une vingtaine d'années, une autre série d'études géophysique avait détecté ce qui semblait être une tranchée creusée dans la roche calcaire se dirigeant vers l'intérieur de la pyramide.
Comme souvent en archéologie, c'est en cherchant autre chose que cette découverte a eu lieu. Il y a une vingtaine d'années, une autre série d'études géophysique avait détecté ce qui semblait être une tranchée creusée dans la roche calcaire se dirigeant vers l'intérieur de la pyramide.
Pour vérifier cette hypothèse, les petits malins de l'UNAM ont reconfiguré un résistomètre SysCal Pro d'Iris Instruments, société orléanaise (cocorico !) et effectué plus de 8000 mesures électromagnétique. Nous avons eu l'occasion de parler de ce genre d'appareil sur d'autres chantiers mexicains. La résistivité électromagnétique est mesurée normalement au moyen de quatre électrodes plantées dans le sol pour définir la différence de potentiel. Cette méthode non-destructrice a quelque peu été détournée et améliorée par l'équipe de l'UNAM.
Une série de tests a été effectuée sur l'Osario, structure ressemblant au Castillo. Depuis le début du XXe siècle, on sait que cette pyramide présente une ouverture sur sa partie supérieure qui communique directement avec une cavité située 12 mètres plus bas à la verticale. Grâce à des essais comprenant 72 électrodes et 3250, on a pu ainsi confirmer les mesures effectuées il y a un siècle.
Après ces essais fructueux, c'est donc le Castillo qui est passé sur le billard. Nul doute que les très nombreux visiteurs du site archéologique en octobre 2014 ont dû se demander ce qui se tramait autour de la pyramide emblématique de Chichen Itza. Un des défis posés à l'équipe a été la conservation des sols stuqués qui affleurent à moins de 30 ou 50 cm sous la surface actuelle autour de la pyramide.
L'équipe de l'Institut de Géophysique de l'UNAM à l'oeuvre.
Crédits: INSTITUTO DE GEOFÍSICA UNAM /CUARTOSCURO.COM
Ce sont 96 électrodes sous formes de plaques qui ont été disposées autour du Castillo. Elles ont été alimentées en courant alternativement pendant cinq jours et ont obtenu 8250 points d'observation ! C'est ainsi que des mesures de basse résistivité ont été détectées. Les experts de l'Institut de géophysique de l'UNAM ont pu obtenir une imagerie intéressante d'un cenote sur lequel a été construit la Pyramide de Kukulcan. Il peut atteindre 25 m de long sur son axe nord-sud et de 30 à 35 m dans l'autre direction. Une couche de roche calcaire de 4 à 5 m d'épaisseur sépare le corps aquatique de la pyramide maya.
Ces travaux, entrepris avec le soutien de Denise Argote (INAH), approfondissent les deux prolégomènes suivants :
- La présence de différents corps aquatiques semble être de plus en plus souvent observée sous d'importantes constructions préhispaniques au Mexique. Rappelons le cas troublant de ressemblance, bien qu'artificiellement créé, du tunnel fouillé actuellement par Sergio Gómez sous la pyramide du Serpent à plumes à Teotihuacan.
- Selon l'archéologue-plongeur Guillermo de Anda, il ne fait aucun doute que les anciens Mayas construisaient sciemment leurs pyramides au-dessus de cenotes ou de points d'eau.
Tomographie du cenote situé sous le Castillo.
Crédits: INSTITUTO DE GEOFÍSICA/UNAM.
À ce titre, il est bon de rappeler que les pyramides sont des représentations symboliques de la montagne primordiale. Cet élément fondamental et fondateur de la cosmovision mésoaméricaine contenait en son sein l'eau fécondatrice et les plantes qui garantissaient la subsistance. Dès lors, la présence de cenotes sous les pyramides du Castillo ou de l'Osario seraient une simple réinterprétation de ce mythe fondateur de la création de la vie. S. Gómez avait fait une proposition semblable pour la Citadelle de Teotihuacan. L'esplanade pourrait avoir représenté la mer primordiale de laquelle surgit la montagne d'abondance. C'est de sous cette même montagne symbolique que surgissait l'eau, la vie (pour reprendre le vieux slogan d'une pub pour une eau gazeuse). Rappelons enfin que, selon le Popol Vuh quiché, Gucumatz est le serpent à plumes qui avance dans l'eau. Il est curieux de voir comment ce vieux mythe prend une connotation spéciale lorsqu'on parle de la Pyramide du Castillo.
Les scientifiques sont relativement prudents encore. Ils estiment que la fiabilité des mesures peu être faussées et que les dimensions estimées sont encore peu précises. Il n'empêche : leur méthode et les résultats de leurs travaux sont innovants à bien des égards et nous donnent une vision différente de la pyramide de Kukulcán. Ils n'excluent pas à terme que la pyramide puisse s'effondrer sous son propre poids, étant donné que la couche de roche calcaire est parfois plus mince. Cependant Tejero estime qu'un tel événement n'aura pas lieu avant de nombreuses générations.
Pour en savoir plus sur cette découverte très prometteuse, n'hésitez pas à consulter l'article électronique publié dans la Gaceta de l'UNAM. Vous pouvez également trouver sur le compte Issuu de la Red Mexicana de Arqueología différents matériels proposés par Raúl Mendoza Alcocer.
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