Lorsque Angel García Cook disparaît en février dernier, C'est un peu la mémoire du site archéologique de Cantona qui disparaît également. Dès lors la publication d'un numéro spécial de la revue Arqueología mexicana peut-être considéré comme un hommage posthume de grand intérêt. De fait Garcia Cook a dirigé l’édition de ce numéro.
Cantona, ce spectaculaire site préhispanique situé à la frontière entre les états de Véracruz et Puebla
Google. (s.d). Carte de Cantona, Puebla. Retrouvé de
Les chiffres donne le vertige : 25 des 1453 hectares formant le site sont ouverts au public, 13 sur l'Acropole et 12 sur les terrasses intermédiaires. Le visiteur peut observer 54 unités habitationnelles populaires, 9 de l'élite et une dernière mixte sur les terrasses intermédiaires, 32 ensembles architecturaux sur la partie haute où se situe le centre civico-religieux de la ville. Y sont également observables six terrains de jeu de balle dont 4 font partie d'ensembles architecturaux alignés, neuf places civico-religieuses fermées par une pyramide à l’est ou à l’ouest, une plateforme avec des silos et 16 unités habitationnelles de l’élite.
Dans un premier temps il nous propose une réflexion sur l'histoire des expéditions et les fouilles archéologiques entreprises à Cantona depuis la fin du 18e siècle. Curieusement le nom Cantona a été conservé par Henri de Saussure en 1855. Le naturaliste suisse propose notamment une description du site en insistant sur sa environnement volcanique et peu propice à la vie humaine. Il revient beaucoup plus longuement sur les fouilles interdisciplinaires et systématiques entreprises sous la direction de Diana Lopez de Molina au début des années 1980. C'est à partir de 1992 que García Cook est directement impliqué, aux côtés de Leonor Merino dans le développement du Projet Archéologique Cantona. L'objectif est de comprendre le développement des populations qui ont habité à l'est de l'Altiplano central.
Suit une présentation de la chronologie de Cantona laquelle compte six phases principales, principalement grâce aux céramiques retrouvées in situ. Les premiers signes d'occupation du site remonte au début du premier millénaire avant notre ère. L'acmé du site a eu lieu entre 50 et 600 ans de notre ère. On appréciera ainsi les photos de vaisselles correspondant à chaque phase de la chronologie.
La troisième partie de ce hors-série est une proposition très résumée de l’organisation sociopolitique de Cantona où la classe dirigeante, peut-être sous la forme d’un conseil, organisait la production d’objets en obsidienne, régulait les différents échanges commerciaux, contrôlait la population probablement grâce à des chefs de centres secondaires, gérait le tribut remis par les centres soumis à son autorité. García Cook revient également sur deux changements d’importance : le premier eut lieu entre 600 et 500 avant notre ère lors d’une théocratisation qui s’est traduite par une fort présence militaire, la seconde s’est manifestée par une rébellion interne entre 550 et 600 de notre ère.
Vient alors une réflexion sur l’économie de Cantona, orientée principalement sur l’exploitation, l’élaboration et le commerce d’objets en obsidienne, ressource de grande importance pour d’autres parties de l’Altiplano et monnaie d’échange pour maintenir une population toujours plus importante. On apprend ainsi que l’exploitation et l’exportation de ce verre volcanique débuta dès le huitième siècle avant notre ère, atteignant des sites préclassiques comme San Lorenzo Tenochtitlan, La Venta ou Tres Zapotes, classiques comme Chicanna, Becán ou Tikal, et postclassiques comme Tajín, Quiahuiztlán et Cempoala.
García Cook montre la zone d’influence politique directe de Cantona en présentant rapidement la Cuenca de Oriental où 326 sites archéologiques enregistrés sur une surface de 1700 km². Des sondages et des fouilles partielles sur 15 d’entre eux ont révélé une chronologie là aussi très étendue. Mais Cantona a maintenu des liens commerciaux avec des groupes dans la vallée de Puebla, les vallées centrales d’Oaxaca, celle de Tehuacan, de l’isthme de Tehuantepec, du sud du Véracruz, de toute la zone maya.
Vient une courte explication des cartes. Nous vous invitons à naviguer sur la carte insérée un peu plus haut pour voir l’impressionnant tissu urbain qui s’étale en trois ensemble sur plus de 14 km². Une carte de l’Acropole est proposée au lecteur : elle lui permet d’identifier clairement éléments de fortifications, unités habitationnelles, jeux de balles et édifices associés et ensembles civico-religieux. On apprend en outre quelques curiosités architecturales à Cantona : ici point de mur droit, mais des murs inclinés et l’utilisation de talud-tablero à moulures basses, point de ciment pour lier les pierres utilisées, aucun stuc recouvrant les parois. En revanche des applications de stuc ou de boue recouvraient les sols des pièces. Il faut que le manque d’eau et une végétation limitée empêchait l’usage de ces techniques décoratives.
Une série de photographies nous permet d’apprécier les nombreux accès à la ville alors que ceux à l’Acropole sont bien plus limités. Le réseau de voies de communication est extrêmement développé, complexe, intégrant toutes les unités habitationnelles. Il comprend des chaussées parfois longues de plus de 500 m, des ruelles parfois étroites et les chemins qui partent de l’unité sud atteint plus de 6 kms. Un solide système de fortifications variées empêchent l’accès aux unités habitationnelles ou civico-religieuses, différentes guérites surveillaient la circulation intérieure. Certaines anciennes de coulées de lave ont été arrangées en système de terrasse.
En ce qui concerne les unités habitationnelles, elles sont construites sur des plataformes pouvant compter plusieurs corps superposés et pouvaient héberger une famille nucléaire ou étendue dans des logements construites avec des troncs de bois et couvertes par des toits de palme. En extrapolant les données récupérées sur l’Unité sud, les archéologues estiment à plus de 7500 le nombre de logements. La surface des unités populaires varie entre 250 et 2000 m² tandis que celle des unités des élites oscillent entre 350 et 5000 m². On distingue les premières par la présence de restes de temazcales, de greniers, de silos, de tombes et de petites pièces à caractère non habitationnel.
García Cook expose ensuite les caractéristiques architecturales des places civico-religieuses : différentes photos, parfois aériennes, nous montrent des places fermées par des plateformes, une pyramide qui fait face à un petit autel central et plus loin à un seul accès.
Dernier élément et non des moindres propre à Cantona : les terrains de jeu de balle. Pas moins de 27 ont été localisés, faisant de Cantona le site préhispanique en ayant le plus. Les plus anciens ont été construits entre 450 et 400 avant notre ère et le plus récent vers 700-750 de notre ère. Bon nombre sont intégrés à des ensembles plus vastes étant alignés avec une ou deux places et une pyramide. García Cook détaille alors longuement la chronologie de construction de ces terrains, révélant que certains n’avaient probablement de fonction rituelle mais avaient plutôt un adjectif ludique.
Une participation de Javier Martinez Gonzalez et de Cuauhtemoc Dominguez Pérez clôt ce numéro avec une impressionnante série de clichés aériens qui permettent d’apprécier les volumes bâtis mais aussi différentes interventions effectuées dans certaines zones habitationnelles. Ils expliquent notamment les différentes applications possibles de drones pour collecter des informations autres qu’un simple registre photographique.
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