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Compte-rendu Arqueología mexicana 149

Suite aux deux séismes qui ont durement frappé le sud et le centre du Mexique en septembre 2017, l’éditeur Raices a eu l’excellente idée de proposer une réflexion de caractère essentiellement historique sur les désastres survenus dans ce pays. Ce dossier thématique, coordonné par l’anthropologue et historienne Virginia García Acosta va pourtant au-delà de considérations historiques, dans la mesure où sont prises en compte des données archéologiques, géologiques, économiques et religieuses. 




On s’en rend notablement compte dans l’article rédigé par Leonardo López Luján. Le directeur du Projet Templo Mayor croise judicieusement les informations au moment d’aborder la grande sécheresse qui frappa la vallée de Mexico en 1454. Le travail d’Eduardo Matos sur les inondations répétées à Tenochtitlan complèterait judicieusement les réflexions de López Luján sur la sécheresse s’il prenait également en compte des données interdisciplinaires et pas seulement les chroniques narrant ce type de catastrophe naturelle.

Lorsque la mayiste Mercedes de la Garza nous propose de réfléchir les raisons pouvant expliquer la chute des Basses Terres mayas, elle passe en revue les développements et les abandons de quatre villes : Copan, Tikal, Calakmul et Palenque, limitant à un trop court paragraphe les raisons possibles de ces abandons, sans apporter de nouveauté par rapport à ce qui avait été publié dans des dossiers thématiques d’Arqueología mexicana. 

L’article de Thomas Calvo a en revanche de quoi surprendre. Cet enseignant-chercheur du Colegio de Michoacán revient sur une révolte survenue le 8 juin 1692 à Mexico et décortique minutieusement les liens entre un événement climatique et ses conséquences politico-sociales. La destruction des cultures de blé lors du Petit âge de glace laissa la population d’origine espagnole sans autre choix que de consommer de la farine de maïs, élément de base du régime des descendants natifs et des groupes sociaux les plus fragiles. La pression exercée sur le prix du maïs priva particulièrement ses derniers de nourriture. Le non-interventionnisme du vice-roi Conde de Galve fut à ce titre un facteur aggravant.

Virginia García Acosta clôt ce dossier en présentant une histoire des explications des des tremblements de terre. Pour l’historienne du CIESAS qui explique les dynamiques géologiques et tectoniques qui affectent le territoire mexicain, parler de tremblements de terre, c’est aussi comment les explications mythologiques, en Europe comme en Amérique précolombienne, ont été remplacées par d’autres d’ordre théologique, scientifique ou socio-culturelle.

Au final, si ce dossier propose différentes perspectives d’étude des désastres naturelles, il aurait été judicieux d’intégrer une présentation sur l’archéologie du désastre, discipline encore peu pratiquée et diffusée au Mexique.

Ce numéro 149 marque aussi le retour d’articles traitant d’autres thèmes et de rubriques auxquels le lecteur est habitué. Xavier Noguez nous présente notamment une nouvelle édition du Codex Aubin préparée et commentée par Rafael Tena. Elisa Ramírez poursuit sa présentation des mythes liés au maïs : elle revient notamment sur l’origine de ses couleurs et les animaux qui sont associés à sa culture. Manuel Hermann Lejarazu lit la Carte de Cuauhtinchan n°2 sous un regard innovant : les toponymes représentés sur le document ferait allusion à des rites de passages expérimentés par les Chichimèques dans leur longue migration vers Cholula. 

Suit une présentation de l'empereur Tizoc, personnage polémique qui n'a pas hésité probablement donner une version idéalisée de son règne. María Castañeda de la Paz s'est intéressée notamment à l'iconographie de ce personnage et la représentation de son nom dans les codex et la sculpture tenochca.

Dans une proposition quelque peu inattendue, David Stuart, épigraphiste et mayiste reconnu, avance une lecture intéressante de la Pierre du Soleil. On pourrait penser le sujet étiolé, rabaché, routinier. Cependant le chercheur de l’Université du Texas à Austin considère qu’elle pourrait avoir été mise à la vue de tous, sur une plateforme, la face sculptée regardant le ciel. Il voit notamment représenté sous forme de cercle le glyphe aztèque tianquiztli correspondant au marché ou à un lieu public. L’autre partie de son hypothèse concerne l'identité du visage représenté au centre de la pierre, notamment par la présence de glyphes onomastiques : il s’agirait d’une image de Moctezuma, portant les attributs d’Huitizilopochtli.

Un autre paradigme est passablement éreinté par les observations et les analyses d’Ivan Sprajc et de Francisco Sánchez Nava. Au moyen de photographies prises avant et après l’équinoxe de printemps à Chichen Itza et Dzibilchaltún, ils démontrent que certains phénomènes d’ombre et de lumière sont observables avant et après le dit équinoxe. Par conséquent les théories mettant en avant une vision semblable à la division occidentale de l’année dernière ne sauraient être généralisées aux cultures préhispaniques. Si les deux auteurs ne nient pas l’existence d’orientations solaires de certaines constructions préhispaniques, elles renvoient donc à des idées ou des concepts qui nous échappent encore.

L’article d’Angel González López, Andrew Turner et Raúl Barrera est la recherche d’une divinité sans nom. Les auteurs profitent de la découverte d’une sculpture mexica par le Programme d’Archéologie Urbaine pour la mettre avec différentes images d’un dieu lié à l’inframonde, au feu mais dont le nom ne semble pas apparaître dans les sources coloniales.

L’article d’anthropologie physique e ce numéro est à mettre au compte de Juan Salvador Rivera Sánchez et de Marcela Salas Cuesta. Il s’agit de considérations historiques sur la discipline et plus précisément sur l’apparition et le développement de la technique photographique pour les registres anthropométriques au Mexique, notamment pendant le Porfiriat. Les auteurs manient avec tact un thème ô combien délicat dans la mesure où l’anthropologie et l’archéologie de l’époque, quand bien même elles recherchaient une exactitude scientifique, n’en étaient pas moins marquées par les stéréotypes raciaux.

L’archéologue et ethno-historienne Martha Monzón Flores expose rapidement ses recherches sur une divinité aztèque essentielle mais peu connue du grand public : Huixtocihuatl, la déesse du sel. Son propos présente ses modes de production sur le Haut Plateau central, son importance dans l’économie et l’expansion mexica. Elle explique ensuite la divinité du sel, les fêtes et rites qui lui étaient dédiés.

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