L'annonce tôt ce lundi matin a eu lieu comme c'est désormais souvent le cas sur les réseaux sociaux. Celui qui fut l'âme du Projet archéologique Chichen Itza entre autres, la voix farouche de la protection et de la transmission du patrimoine archéologique depuis le Yucatan n'est plus. Il avait pourtant traîné ses chaussures de marche, son chapeau et sa chemise en Allemagne et au Nicaragua avant de débarquer en 1973 au Mexique pour prendre la direction du Proyecto Huejotzingo et d'entrer au Centre INAH du sud-est en 1977, fouillant déjà à Chichen Itza et à El Meco et Kohunlich au Quintana Roo.
Cette identification avec Chichen Itza est dû aux avancées notables qu'il a pu provoquer. En 1980, il détermine le polygone qui mitigera les affres subis par le patrimoine, la faune et la flore du site. Ce tracé sera repris ensuite dans le décret présidentiel qui fait de Chichen Itza une zone de monuments archéologiques. En 1993, il prend la direction du projet archéologique qui étudiera l'architecture, la sculpture, l'iconographie, l'agriculture, la chronologie ou encore les ouvrages hydrauliques qui constitue le site.
Il suffit de lire la presse nationale au Mexique pour se rendre compte du séisme que son départ à provoqué. L'hommage poignant de Giovana Jaspersen, actuelle jeune directrice du Museo Regional Palacio Cantón, envers son prédecesseur à ce même poste entre 1983 et 1993, donne toute la mesure de l'héritage scientifique et culturel laissé par ce natif d'Hambourg mais aussi d'un vide qui sera difficile à combler.
Apprécié tout particulièrement de ses collègues de l'INAH Yucatán, son aura a rayonné bien au-delà. Lorsque je me suis présenté en octobre 2004 aux portes de la Zone Archéologique de Chichen Itza, Pancho m'emmena alors au campement des archéologues. Là, assis tranquillement dans la cuisine avec différents membres du projet et employé(e)s du site, mettant la main à la pâte, il m'accueillit simplement et chaleureusement.
"Tu as déjà mangé ?"
- Non, répliquai-je. Je descends juste du bus qui vient de Valladolid où j'ai pris le petit déjeuner avant de partir.
- Tu nous accompagnes pour le repas alors ?
Quand bien même je mourais d'envie d'entrer sur le site pour photographier les serpents à plumes dont j'avais tant besoin pour mon corpus photographique, impossible de refuser l'invitation. Tout d'abord par politess. Ensuite parce qu'il faisait partie des auteurs que j'avais lu d'arracher pour soutenir mon DEA deux ans plus tôt, ensuite parce que j'avais franchement les crocs.
La conversation se noue naturellement, tranquillement au sujet de mes travaux de doctorat sous la direction de Michel Graulich. Il me demande mon itinéraire dans les semaines à venir. Je l'interroge sur les parties de Chichen Viejo qui étaient encore fouillées à l'époque et pour lesquelles j'avais une certaine curiosité.
Le repas s'éternise, comme souvent au Mexique. La zone ferme dans deux heures avant de laisser place à l'horrible spectacle son et lumière auxquels peu de visiteurs assistent, quand bien même l'accès soit inclus dans le prix du billet.
Il me guide vers la céramothèque du site où travaille Eduardo Pérez de Heredia Puente.
- Au fait, tu vas dormir où ce soir, me demande-t-il ?
- Je retourne à Valladolid, répondis-je, l'air un peu défait.
- Pas la peine. Pourquoi ne restes-tu pas au campement dormir ? Tu pourras te reposer et te lever tôt le matin pour prendre de bonnes photos et prendre tes mesures.
Un rêve de gamin est en train de se réaliser: passer deux nuits au milieu de la forêt, au milieu du site que j'avais étudié durant les quatre dernières années. Ce rêve, c'est grâce à sa bienveillance et sa générosité que j'ai pu l'accomplir. Ce fut la seule et unique que fois je pus converser avec lui.
Sa santé était alors déjà défaillante. L'archéologie est une science exigeante physiquement et mentalement, surtout quand on travaille dans des conditions. Il n'empêche : ses réflexions sur Chichen Itza continuaient de nourrir le débat. Nombreux furent ce qui se réjouirent lorsque l'UNESCO lui remit il y a quatre ans sa Médaille de la Diversité culturelle. Il a décidé de suivre un autre chemin où nous espérons pouvoir un jour de nouveau le croiser.
Merci, Peter Schmidt.
Cette identification avec Chichen Itza est dû aux avancées notables qu'il a pu provoquer. En 1980, il détermine le polygone qui mitigera les affres subis par le patrimoine, la faune et la flore du site. Ce tracé sera repris ensuite dans le décret présidentiel qui fait de Chichen Itza une zone de monuments archéologiques. En 1993, il prend la direction du projet archéologique qui étudiera l'architecture, la sculpture, l'iconographie, l'agriculture, la chronologie ou encore les ouvrages hydrauliques qui constitue le site.
Il suffit de lire la presse nationale au Mexique pour se rendre compte du séisme que son départ à provoqué. L'hommage poignant de Giovana Jaspersen, actuelle jeune directrice du Museo Regional Palacio Cantón, envers son prédecesseur à ce même poste entre 1983 et 1993, donne toute la mesure de l'héritage scientifique et culturel laissé par ce natif d'Hambourg mais aussi d'un vide qui sera difficile à combler.
Apprécié tout particulièrement de ses collègues de l'INAH Yucatán, son aura a rayonné bien au-delà. Lorsque je me suis présenté en octobre 2004 aux portes de la Zone Archéologique de Chichen Itza, Pancho m'emmena alors au campement des archéologues. Là, assis tranquillement dans la cuisine avec différents membres du projet et employé(e)s du site, mettant la main à la pâte, il m'accueillit simplement et chaleureusement.
"Tu as déjà mangé ?"
- Non, répliquai-je. Je descends juste du bus qui vient de Valladolid où j'ai pris le petit déjeuner avant de partir.
- Tu nous accompagnes pour le repas alors ?
Quand bien même je mourais d'envie d'entrer sur le site pour photographier les serpents à plumes dont j'avais tant besoin pour mon corpus photographique, impossible de refuser l'invitation. Tout d'abord par politess. Ensuite parce qu'il faisait partie des auteurs que j'avais lu d'arracher pour soutenir mon DEA deux ans plus tôt, ensuite parce que j'avais franchement les crocs.
La conversation se noue naturellement, tranquillement au sujet de mes travaux de doctorat sous la direction de Michel Graulich. Il me demande mon itinéraire dans les semaines à venir. Je l'interroge sur les parties de Chichen Viejo qui étaient encore fouillées à l'époque et pour lesquelles j'avais une certaine curiosité.
Le repas s'éternise, comme souvent au Mexique. La zone ferme dans deux heures avant de laisser place à l'horrible spectacle son et lumière auxquels peu de visiteurs assistent, quand bien même l'accès soit inclus dans le prix du billet.
Il me guide vers la céramothèque du site où travaille Eduardo Pérez de Heredia Puente.
- Au fait, tu vas dormir où ce soir, me demande-t-il ?
- Je retourne à Valladolid, répondis-je, l'air un peu défait.
- Pas la peine. Pourquoi ne restes-tu pas au campement dormir ? Tu pourras te reposer et te lever tôt le matin pour prendre de bonnes photos et prendre tes mesures.
Un rêve de gamin est en train de se réaliser: passer deux nuits au milieu de la forêt, au milieu du site que j'avais étudié durant les quatre dernières années. Ce rêve, c'est grâce à sa bienveillance et sa générosité que j'ai pu l'accomplir. Ce fut la seule et unique que fois je pus converser avec lui.
Sa santé était alors déjà défaillante. L'archéologie est une science exigeante physiquement et mentalement, surtout quand on travaille dans des conditions. Il n'empêche : ses réflexions sur Chichen Itza continuaient de nourrir le débat. Nombreux furent ce qui se réjouirent lorsque l'UNESCO lui remit il y a quatre ans sa Médaille de la Diversité culturelle. Il a décidé de suivre un autre chemin où nous espérons pouvoir un jour de nouveau le croiser.
Merci, Peter Schmidt.
Peter Schmidt. Photo: Héctor Montaño/INAH. |
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