Le dernier numéro de la revue Arqueología mexicana est disponible depuis quelques semaines au Mexique. Il se pare d'atours ethnohistorique et archéologico-historiques en proposant un dossier central sur le processus d'évangélisation de ce que fut autrefois la Nouvelle-Espagne.
Commençons par ce long article sur les liens de complicité et d'inimitié qu'Hernan Cortés développa avec les ordres franciscain et dominicain. Antonio Rubial García remet ainsi la ferveur mariste du conquérant espagnol. Il revient sur la chance des Franciscains de pouvoir mettre en pratique leurs conceptions de l'homme au moment de convertir les autochtones. Si leur venue en Nouvelle-Espagne fut imposée par la Couronne, Cortés donna l'autorité morale afin que les peuples conquis (tarasques et nahuas principalement) puissent être convertis rapidement.
Dans un deuxième article signé Francisco Morales, il est question de trois figures essentielles de l'évangélisation de la Nouvelle-Espagne : Pierre de Gant, Martin de Valence et Toribia de Motolinia.
ill. 2. Pierre de Gant.
Disponible le 04/06/2014 sur : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/06/Fraypedrodegante.jpg .
Bernardo García Martínez revient sur la stratégie d'implantation des lieux de cultes dans les anciennes chèferies. Mais l'article explique l'importance des nouveaux lieux de cultes suffisamment vastes pour faciliter les activités collectives.
Xavier Noguez expose un cas singulier de l'inquisition de la Nouvelle-Espagne: le procés, la condamnation et l'exécution de Carlos Ometochtli Chichimecatecuhtli, descendant de Nezahualcoyotl en 1539, provoqua l'ire de Charles Quint qui demanda unilatéralement à Zumarraga à ce qu'on ne procédât à des peines excessives contre les autochtones. Carlos Ometochtli fut un cas parmi tant d'autres d'idolâtrie et de pratiques contraires à la chrétienté.
ill. 4. Plan des propriétés de Carlos Ometochtli
Disponible le 04/06/2014 sur : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f9/The_Oztoticpac_Lands_Map_WDL106.jpg/659px-The_Oztoticpac_Lands_Map_WDL106.jpg
Dans l'article intitulé "La casa domenica de Olintepec", Laura Ledesma nous explique comment les anciens lieux de culte "païens" présents à Olintepec furent réutilisés pour légitimer et accélérer la conversion des populations autochtones. L'archéologue met en avant le réaménagement des structures préhispaniques et leur assignation nouvelle.
ill. 5. Zone archéologique d'Olintepec
Disponible le 04/06/2014 sur :
De son côté, Mario Cordova Tello explique une dynamique différente pour atteindre le même objectif. Le cas d'Huejotzingo, près de Puebla, est en effet intéressant pour comprendre l'abandon des anciens sanctuaires et le regroupement des populations locales autour d'un nouvel espace religieux.
L'historien Pablo Escalante nous montre que la nature a toujours son mot à dire, y compris quand on essaie de convertir en masse. L'église de San Pedro Tlatemaco, en Hidalgo, fut rapidement élevée mais elle dût être rapidement après qu'une coulée de boue et des pluies torrentielles ont recouvert le lieu saint de sous 8 m de matériaux, obligeant la construction d'un autre espace de culte.
En marge de ce dossier on lira attentivement l'article proposé par Ismael Montero García, Jesús Galindo et David Wood sur une nouvelle lecture archéoastronomique de la Pyramide du Castillo à Chichen. Leurs travaux d'observation du zénith sur ce site, combinés à différents éléments iconographiques et épigraphiques donne une vision de la construction de cet édifice à une plus grande échelle.
Ce numéro contient aussi la deuxième de la réflexion de l'anthropologue physique Xabier Lizarraga Cruchaga sur les processus d'hominisation, d'humanisation et de "planétarisation". Il s'agit de comprendre comment l'homme en est arrivé à ce stade d'évolution, développant différentes cultures qui se sont étendues sur presque toute la surface du globe et comment il le dessine volontairement et involontairement en fonction de ses besoins.
Souvenons que la revue comporte différentes séries d'articles récurrents. La première concerne les archéologues mexicains officiant à l'étranger. C'est au tour de Linda Manzanilla, professeur à l'UNAM, d'exposer les travaux auxquels elle a participé en Turquie. D'autre part, Eduardo Matos Moctezuma s'interroge sur les ragots qui font de Batres un destructeur de patrimoine : il lui a été reproché d'avoir fait usage de dynamite pour "fouiller" plus rapidement à Teotihuacan. Coup double enfin pour Xavier Noguez qui expose rapidement les caractéristiques du Codex Azoyu 1, conservé à la Biblioteca Nacional de Antropología e Historia.
En résumé, il s'agit d'un numéro sortant de l'ordinaire, plus spirituel, plus profond qu'il n'apparaît plus. À suivre, un compte-rendu sur le hors-série 55 d'Arqueología mexicana consacré aux textiles des peuples originaires.
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