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Des alignements archéoastronomiques à Xochimilco

Xochimilco est situé au sud de l'actuelle Mexico (fig.1). Elle est quasiment la seule ville de la mégalopole à avoir conservé ses chinampas, ces jardins flottants hérités des traditions agricoles préhispaniques de la Vallée de Mexico. Il s'agit en fait d'îlots artificiels construits au moyen de branches de saules et de fibres de jonc. Cette technique a également permis la construction d'unités résidentielles, voir de temples.


Ill. 1. Plan de la vallée de Mexico.



Ill. 2 Chinampas de Xochimilco.

Xochimilco a, comme d'autres villes de cette partie, été le site de nombreuses constructions d'édifices coloniaux, en particulier d'églises et de couvents, comme celui de Saint Bernard de Sienne (ill. 3). Pour ce faire, les colons espagnols ont rapidement pris l'habitude de détruire les temples païens et de réutiliser leurs propres matériaux pour édifier les bâtiments coloniaux et viceroyaux.


Ill. 3. Façade et entrée du Couvent de Saint Bernard de Sienne, Xochimilco.

Araceli Peralta Flores, archéologue de l'INAH a récemment communiqué les résultats de différentes recherches et analyses sur ce sanctuaire et les résultats sont surprenants à plus d'un titre. La méthodologie de la scientifique mexicaine et de son équipe repose sur plusieurs axes. Dans un premier temps, des mesures archéoastronomiques ont été effectués. C'est ainsi qu'un alignement du soleil avec le sommet du volcan Iztaccihuatl, le site préhispanique IZ-01 situé sur les pentes de ce même volcan et le site de Xochimilco a été estimé au 24 février à 7 heures 24 minutes et 48 secondes par le spéléologue Arturo Montero. Ivan Sprajc, l'archéoastronome slovène de l'Université de Ljubjana, avait également expliqué que le Soleil sortait du sein de l'Iztaccihuatl. Cette épiphanie solaire est ancré dans les récits populaires qui présentent le volcan enneigé comme une femme allongée.



Ill. 4. Alignements solaires depuis les deux églises de Xochicalco

Lorsque le Soleil apparaît à cette date, il peut être observé depuis le second contre-fort du couvent de Saint Bernard (ill. 5). Pour Peralta Flores, il est fort probable que cet alignement était également observable depuis l'ancien temple de Cihuacoatl (Femme-Serpent), divinité liée à la fertilité et vénéré par les anciens Xochimilcas. Dans son Historia de las Indias y relación de su idolatría y religión antigua con su calendario, l'auteur explique que les xochimilcas, comme d'autres groupes qui utilisaient les chinampas, rendaient un culte tout particulier à cette divinité considérée comme donneuse de vie.



Ill. 5 Alignement solaire sur le contre-fort du couvent Saint Bernard de Sienne, Xochimilco.


Un autre marqueur du soleil a été détecté par Rafael Zibrón à l'église de la Vierge des Douleurs de Xaltocán (XVIIe et début du XVIIIe siècle). Celle-ci était vénéré le 2 février, même date à laquelle que les populations préhispaniques présentaient des grains de maïs pour les faire bénir avant la semaille. Dans ce cas, on peut y observer un alignement avec le volcan Popocatepetl. Là, le contrefort de l'église est frappé par le soleil le 21 décembre à 7 heures 34 minutes et crée un alignement entre le sommet du Popocatepetl, le site préhispanique PO-02 Nexpayantla situé sur ses flancs et donc l'église de Xaltocán. Chose curieux, un relief préhispanique représentant une tête de chien est encastré dans le contre-fort (ill. 6). 



Ill. 6. Relief en forme de tête de chien lors du solstice d'hiver, église de Xaltocan, Xochimilco.


Pour Peralta Flores, il est fortement probable que les sanctuaires préhispaniques recouverts par les églises que nous connaissons étaient dédiés à des divinités de la fertilité, les deux montagnes étant elles-mêmes comme des réifications de Tlaloc et de Cihuacoatl. Afin de s'assurer de leur orientation, un scanner au laser (ill. 7) a permis de scanner les édifices de manière très détaillé d'en réaliser une image la plus fiable possible.


Ill. 7. Scanner laser du couvent de Saint Bernard de Sienne, Xochimilco.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le bulletin publié sur le site de l'INAH.

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