Accéder au contenu principal

Annulation de l'exposition à Saint Romain du Gal

"La culture prise en otage". "La cultura secuestrada".
Cette formule revient dans les commentaires de nombreux internautes français et mexicains pour dénoncer le gigantesque combat d'egos entre les présidents Felipe Calderón et Nicolas Sarkozy. L'amitié franco-mexicaine restera diplomatiquement marquée par les turpitudes des dirigeants des pays. La culture, prise en otage par deux individus, deux gouvernements contre l'échange interculturel entre 180 000 000 de citoyens. La culture prise en otage par de petits chefs en quête de reconnaissance politique et publique, alors que de rares esprits ouverts au Mexique comme en France, demandent le maintien de l'année du Mexique en France. Ne croyez pas que j'oublie certains (ir)responsables de gauche qui montrent qu'en France comme au Mexique, on a le sang chaud et on ne tourne jamais suffisamment sa langue dans sa bouche avant de parler. Comme le dit l'écrivain mexicain et francophone Alberto Ruz-Sanchez sur son carnet, "Pensar con gatos en la panza es pensar poco". Martine Aubry a par exemple réautorisé l'exposition Drôles d'estampes. Preuve en est qu'on réagit surtout pour occuper plus le terrain politique qu'autre chose en France.
La culture prise en otage se manifeste par l'annulation d'événements majeures de l'Année du Mexique en France. On savait depuis hier que le festival Rio Loco qui devait accueillir 133 groupes et artistes mexicains à Toulouse a été annulé. Au final, les impôts des contribuables mexicains et étrangers au Mexique vont être utilisés pour rapatrier les artistes pour pas moins de 120000 euros.
Désormais c'est la plus petite des trois expositions d'art mésoaméricain qui en fait les frais. : "Trésors du Veracruz"  a été indéfiniment "suspendue" selon la conservatrice du musée  de Saint Romain. Alors que la scénographie était installée, les quelques 200 pièces olmèques, totonaques et huastèques placée, que l'ambassadeur du Mexique en France et le gouverneur de l'état du Veracruz devaient l'inaugurer, l'exposition est vouée à l'annulation.  Pire les pièces repartent au Mexique dès ce samedi, si on en croit le quotidien Libération, repris par son collègue mexicain La Jornada. Nous en avions parlé de cette exposition il y a quelques semaines dans ce carnet. Coût de l'opération : 2 000 000 d'euros à la charge de la CONACULTA, c'est-à-dire des impôts par les Mexicains... Inadmissible.
Quid des deux expos parisiennes sur les Mayas qui doivent avoir lieu à partir dans les prochains mois ? Le soufflé va-t-il retomber ? La Realpolitik reprendra-t-elle le dessus ? La culture, si souvent mise au ban, si peu appuyée par les présidents Calderón et Sarkozy pourra-t-elle reprendre son rôle fédérateur et unitaire des peuples ?

La culture, prise en otage alors que c'est la présumée séquestration d'individus qui est à l'origine de tout cet imbroglio juridico-politico-diplomatique. Ni la France, ni le Mexique ne sortent grandi de cette affaire. La France à cause des déclarations tapageuses de sa ministre des Affaires Etrangères et de son président, en quête d'une popularité depuis longtemps perdue et en dépit du clientélisme qui les caractérisent. Le Mexique à cause d'un nationalisme exarcerbé par son président qui est incapable de respecter la parole donnée à l'étranger et de légitimer un système judiciaire corrompu à tous les niveaux.
Comme le disait récemment la journaliste mexicaine et francophile Denise Maerker, rien n'est cependant perdu. Cela prendra du temps et les choses changeront en même temps que les élections présidentielles en 2012 apporteront certainement un renouvellement de la relation bilatérale. Pour l'heure, nous sommes en deuil : combien de temps les Français devront attendre pour revoir trois expositions majeures sur les peuples mésoaméricains sur leur territoire? Longtemps, très longtemps. Au Mexique, les élus commencent peut-être de mesurer l'ampleur de la décision de Calderon et l'ensemble de la chambre des députés a d'ores et déjà demandé au président mexicain de revenir sur sa décision.  Décision surprenante dans la mesure où tous les partis mexicains s'étaient rangés derrière le chef de l'exécutif pour appuyer son renoncement à l'Année du Mexique en France. Pour quelles raisons se comportent-ils comme des girouettes ?

Je termine cette note en ayant une pensée pour le fils de Sylvianne et Philippe, un des conservateurs de l'exposition de Saint Romain du Gal. Votre travail n'a pas été récompensé, pas plus que celui des conservateurs des musées mexicains, aussi déçus et désamparés que vous. Espérons que vous puissiez revivre le plaisir de revoir les pièces veracruzaines dans une nouvelle expo. C'était juste un entraînement pour la prochaine fois.

Commentaires

Anonyme a dit…
encore merci pour votre site qui fait partie de ma barre personnelle désormais.

Je trouve ça honteux, qu'une poignée de politique privent des milliers de personnes aux manifestations sur le thème " Année du Mexique " de l'argent gaspillé, des partenariats financiers floués, des passionnés désabusés, des organisateurs dégoutés j'irai à l'exposition sur Lille dont vous faites allusion dans votre billet, Martine Aubry à oubliée de tourner sa langue avant de parler, à ce niveau là, c'est inacceptable, nous arrivons début mars rien n'est encore perdu mais c'est vraiment dommage, il va falloir que les politiques se bougent les miches !

Cuetzpalin
Unknown a dit…
En effetn c'est plus que navrant et frustrant. La communauté des mésoaméricanistes français (étudiants, chercheurs, professeurs) travaillant en France et au Mexique fait actuellement circuler une lettre qui sera remise au gouvernement français et au président Sarkozy pour lui demander de renoncer à rendre hommage à Florence Cassez lors de l'Année du Mexique en France...
Même si elle n'a que peu de chances d'aboutir, elle marque le rejet de la politique diplomatique et culturelle de M. Sarkozy.
Quien vivra, vera...
Unknown a dit…
Merci pour ce coup de gueule,et merci pour avoir pensé à Nicolas, qui bien sûr est, comme nous, déçu par toutes ces "bidouilles politiciennes"
Bien à toi
Philippe
Unknown a dit…
N'hésitez pas à indiquer à votre fils que je souhaite entrer en contact avec lui, Philippe.

Qu'il nous laisse un petit courriel dans la boîte de ce carnet...

Posts les plus consultés de ce blog

Arqueologia Mexicana n°99

Avec le titre "De la crónica a la arqueología: visión de cinco ciudades prehispánicas", l'editorial propose une levée bimestrielle un peu moins rutilante que son précédent numéro sur Moctezuma. En même temps, il est difficile de faire plus fort que celui qui reste une figure importante de l'identité mexicaine. Faisons donc un rapide tour du propriétaire. Après les quelques brêves rappelant les fouilles à Chichen Itza, la restauration de la petite pyramide ronde du métro Pino Suarez ou la sortie du catalogue de l'exposition Moctezuma. Azteca Ruler, co-édité par Leonardo Lopez Lujan et Colin Mc Ewan, on peut lire l'hommage rendu par Eduardo Matos Moctezuma au Dr Miguel Leon-Portilla pour les 50 ans de la publication Visión de los Vencidos: relaciones indigenas de la Conquista . Suit une présentation du Codex Ixtlilxóchitl par Manuel Hermann Lejarazu. Le titre de ce document fait référence à son illustre propriétaire, Fernando de Alva Ixtlilxochitl (1578
Au cœur de la zone archéologique de Tulum, dans l'État de Quintana Roo, une équipe de chercheurs de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) a fait une découverte extraordinaire. Alors qu'ils travaillaient dans le cadre du Programme de Mejoramiento de Zona Arqueológicas (Promeza) sur des sondages préalables à un nouveau sentier pour les visiteurs, une entrée de grotte cachée derrière un rocher a été mise au jour.  Enterrements 6 et 9. Photo : Proyecto de investigación Promeza, Tulum / Jerónimo Aviles Olguin. La découverte de cette grotte, située à l'intérieur de la zone fortifiée de Tulum, a été le point de départ d'une exploration qui a révélé des éléments remarquables. Lors des travaux de dégagement pour aménager un nouveau sentier entre les bâtiments 21 et 25, l'équipe a identifié une entrée scellée par un énorme rocher. En retirant ce dernier, ils ont révélé l'entrée d'une cavité jusqu'alors inconnue. À l'intérieu

Conférence au Musée d'Histoire Mexicaine de Monterrey

Un peu de pub pour notre chapelle. Après-demain, votre serviteur aura l'honneur de participer pour la troisième année consécutive aux Cuartas Jornadas de Estudios Mexicanos, organisées par l'Universidad de Monterrey au Museo de Historia Mexicana, dans le centre-ville de la Sultana del Norte. Au programme cette année, il sera question du "Passé préhispanique aux temps du Porfiriat et de la Révolution". Il s'agit simplement de présenter à un public non-spécialiste comment s'est forgée l'identité nationale mexicaine au moment du pouvoir autocrate de Porfirio Diaz en 1884 et 1910. Au delà de la redécouverte et de la réappropriation du passé préhispanique, on expliquera notamment la systématisation des études archéologiques et anthropologiques à cette époque. Je cherche d'ailleurs une revue pour publier la version de l'article que j'ai rédigé pour l'occasion. Si vous avez des contacts, envoyez-moi un courriel. Au pire des cas, j'utiliserai