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La constitution mexicaine traduite en plusieurs langues indigènes

C'est un petit événement en soi. Le sénat mexicain a récemment fait traduire la Constitution de 1917 en nahuatl, la langue indigène la plus parlée du pays (2 millions de locuteurs au total). On pouvait déjà trouver l'hymne national mexicain traduit et chanté en nahuatl, en maya, ou en mixtèque sur Youtube.

Pour autant on peut considérer que cette décision n'est qu'une toute petite victoire pour les peuples indigènes. Si les nahuatlophones sont les plus nombreux dans le pays, il ne faudrait pas oublier que plus de très nombreuses autres langues indigènes existent encore dans le pays. Certaines sont même menacées et vont bien ne plus avoir aucun locuteur...

Pourquoi donc ne pas avoir traduit la Constitution dans TOUTES les langues indigènes afin de toutes les reconnaître? La mise en avant du nahuatl n'est certainement pas une chose nouvelle. Déjà les historiens, les archéologues et les artistes oeuvrant pendant le Porfiriat avait fait des Aztèques (des Nahuas) l'ethnie la plus évoluée, donc la plus puissante du Mexique préhispanique. Il paraissait normal à l'élite du Porfiriat de mettre  en avant cette ethnie plutôt qu'une autre (Tenorio Trillo, 1998 : 112-3). Mais attendre cent ans pour proposer une seule version traduite du texte fondateur du Mexique actuel, ça en dit long sur le droit des peuples indigènes au Mexique. D'ailleurs pourquoi ne pas proposer une nouvelle constitution qui prendrait véritablement en compte cette richesse culturel qui fait le Mexique ?

De son côté, l'INALI (Instituto NAcional de Lenguas Indigenas) a décidé de faire un effort particulier dans le cadre du Bicentenaire du début de la guerre d'indépendance et du Centenaire de la Révolution mexicaine. C'est ainsi que des groupes de traducteurs ont été mis en place dans différentes universités et centres de recherches linguistiques à travers tout le pays pour traduire la Constitution politique des Etats Unis du Mexique en 13 langues appartenant à 5 grandes familles linguistiques. Les versions proposées sont soumises d'ailleurs au public pour être commentées et améliorées par l'internaute afin de coller le plus possible aux concepts et idées parfois très abstraits de l'espagnol.

Si on regarde le détail, on a les familles et les langues suivantes :
  • maya : maya, huasteco del occidente, tzeltal, tzotzil et ch'ol,
  • oto-mangue : otomi del centro, mazahua de oriente, matlazinca,
  • tarasco : purépecha
  • totonaco-tepehua : totonaco de la costa, tepehua del norte
  • uto-nahua : náhuatl de la Huasteca Potosina, náhuatl central de Veracruz
Pour autant on peut considérer que cette décision n'est qu'une toute petite victoire pour les peuples indigènes. Si les nahuatlophones sont les plus nombreux dans le pays, il ne faudrait pas oublier que plus de 80 langues indigènes existent encore dans le pays. Certaines sont même menacées et vont bien ne plus avoir aucun locuteur...

Pourquoi donc ne pas avoir traduit la Constitution dans TOUTES les langues indigènes afin de toutes les reconnaître? La mise en avant du nahuatl n'est certainement pas une chose nouvelle. Déjà les historiens, les archéologues et les artistes oeuvrant pendant le Porfiriat avait fait des Aztèques (des Nahuas) l'ethnie la plus évoluée, donc la plus puissante du Mexique préhispanique. Il paraissait normal à l'élite du Porfiriat de mettre  en avant cette ethnie plutôt qu'une autre (Tenorio Trillo, 1998 : 112-3). Mais attendre cent ans pour proposer une seule version traduite du texte fondateur du Mexique actuel, ça en dit long sur le droit des peuples indigènes au Mexique. D'ailleurs pourquoi ne pas proposer une nouvelle constitution qui prendrait véritablement en compte cette richesse culturelle qui fait le Mexique ? Quid des six autres grandes familles linguistiques repertoriées par l'INALI et qui ne font pas partie du projet ? 



Pour information, il s'agit des familles et variantes linguistiques suivantes : 
  • Algica : Kikapoo
  • Cochimi-Yumana :
  • Seri : seri;
  • Mixe-Zoque : ayapaneco, mixe, oluteco, popoluca de la Sierra, sayulteco, texistepequeño, zoque
  • Chontal de Oaxaca : chontal de oaxaca,
  • Huave :  huave 
Toutes les familles et variantes linguistiques sont accompagnés de 68 groupes linguistiques que nous ne détaillerons pas. Au total, ce sont 364 parlers que le Catalogue de l'INALI a répertorié. Pour vous familiariser avec les langues indigènes, je vous recommande ce musée virtuel, disponible en espagnol et en anglais. Vous pouvez aussi jetter un oeil sur cette carte animée proposée par l'INALI. Enfin le Colegio de México a mis en ligne un Archivo de Lenguas Indígenas de México.



Bibliographie
Diario oficial. 2008. "INSTITUTO NACIONAL DE LENGUAS INDIGENAS. Catalogo de las Lenguas Indígenas Nacionales: Variantes Lingüísticas de México con sus autodenominaciones y referencias geoestadísticas." Disponible le 16 novembre 2010 sur : http://www.inali.gob.mx/pdf/CLIN_completo.pdf .
TENORIO TRILLO, Mauricio. 1998. El artilugio de una nación : México en las exposiciones universales, 1880-1930. Fondo de Cultura Económica, Mexico.

PS : Notre note sur le canular de Tinun a été retirée. Merci à Shania de nous avoir rappelé à notre promesse.
PPS : Cette note a été améliorée grâce à la participation involontaire d'Erico sur le forum http://mexique-fr.com .

Commentaires

ChtiMarseillais a dit…
Coquilles : nahuatlophones, plutôt que nahuatophones (2 fois).

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