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Compte-rendu Arqueología mexicana 156

Que cachent les sous sols, parfois inondées de la péninsule du Yucatán ? Que représentaient les cavernes et les grottes pour les Mayas ? Et quels témoignages plus anciens de l'humanité y ont été retrouvés ? C'est un peu à tout cela que prétend répondre le dernier numéro publié de la revue Arqueología mexicana sur le Grand manteau phréatique maya. Cependant le titre de ce dossier, coordonné par Guillermo de Anda est quelque peu trompeur. Certes on peut comprendre que ce projet interdisciplinaire n'en est qu'à ses débuts. Pourtant les cinq articles qui le composent sont des résultats préliminaires d'explorations à et autour de Chichen Itza.




De Anda, responsable du projet, Ortega y Brady présentent les différentes reconnaissances effectuées au moyen du LiDAR, application d'origine militaire qui permet de situer des structures en dépit de la végétation ambiante, et de radars de pénétration. Un grand plan expliqué permet de comprendre que Chichen Itza a été construite au milieu de quatre cénotes relativement importants. 

Cobb, Brady, Santos Ramírez y de Anda reviennent ensuite sur les recherches effectuées sous l'édifice appelé Ossuaire ou Tombe du grand prêtre. Ils ont notamment détecté la présence d'une d'une caverne située sous la pyramide et que l'archéologue étatsunien Edward Thompson n'avait pas détecté à la fin du XIXè siècle. Des mesures ont permis de comprendre que le puits qui traverse le bâtiment permet d'observer le passage du soleil au zénith entre le 23 mai et le 19 juin.

Brady et de Anda proposent aussi de réévaluer les explorations effectuées par Gómez puis Andrews dans la grotte de Balamkanché, à quelques encablures de Chichen Itza. A 60 ans de sa première exploration le site contient encore de nombreuses zones de mystère, notamment en ce qui concerne la datation des différents matériels céramique qui y furent déposés. Pour les deux auteurs, il ne fait aucun doute que Balamkanche faisait partie de Chichen Itza.

L'annonce de la réouverture de la grotte de Balamku a suscité il y a quelques semaines de nombreuses inquiétudes, notamment en ce qui concerne son exploitation touristique. Cette annonce politique est forcément malvenue dans la mesure où la déprédation touristiques en finirait rapidement avec ce contexte qui fut longtemps ignoré par les archéologues eux-mêmes. Exploré partiellement puis refermé il y a 53 ans par Víctor Segovia, le site a pu être de nouveau exploré pour en effectuer un registre plus complet, en dépit des difficultés logistiques qu'il impliquait. Les objets qui y ont été déposés seront prochainement analysés, notamment en termes de paléobotanique.




De Anda expose ensuite les explorations effectuées dans le cenote Holtun. Il en dégage différents axes de travaux futurs comme l'archéoastronomie.

Au final, ce dossier propose des clichés superbes : cela ne nous étonnera pas dans la mesure où Guillermo de Anda est correspondant de la National Geographic Society et a contribué à de nombreuses reprises à cette revue avec des photoreportages. Mais le contenu semble souvent un peu superficiel. On peut regretter le titre un poil trompeur de ce dossier, comme nous l'avons mentionné plus tôt.

Trois autres articles de teneur archéologique jalonnent le reste de ce numéro. En première instance Patricia Ochoa Castillo et Hugo Herrera Torres analysent iconographiquement la présence d'un symbole végétal à trois pointes et la faune surnaturelle representée sur des vaisselles, des sculptures, des parois au moyens de reliefs, de peintures, d'incisions remontant tous au Préclassique et appartenant à des sites très distants géographiquement et culturellement parlant. Les deux auteurs essaient de démontrer le lien qui peut avoir existé entre des bourgeons de maïs et des images zoomorphes ou hybrides.




Le second papier est en lien direct avec les fouilles du Projet Templo Mayor. Il y est notamment question de bioarchéologie. Víctor Cortés Meléndez revient notamment sur les techniques de dépeçage, observables sur des crânes humains retrouvés dans des offrandes du Grand Temple de Tenochtitlan. Cortés Meléndez s'appuie notamment sur une analyse interdisciplinaire (ethnohistoire, bioanthropologie, iconographie) pour approfondir le culte à la peau dans la religion tenochca. Vous pourrez écouter prochainement son intervention au micro de Raíces




Enfin Sara García Juárez et Guillermo Bernal Romero propose une nouvelle lecture iconographique et épigraphique du Panneau 3 de Piedras Negras, ce site maya située dans la vallée de l'Usumacinta. Les auteurs rappellent que ce panneau fait référence à des événements politiques ayant eu lieu dans la chefferie de Yaxchilan, à laquelle appartenait Piedras negras au moment de la réalisation de ce panneau. Daté du 27 juillet 749 de notre ère, il met en scène 14 personnages parfaitement nommés autour de la figure royale de Pawaaj' K'an Ahk, en vêtements d'apparat. Chose rare, le bloc contient également le nom de trois des quatre sculpteurs à l'origine de cette sculpture de haut vol : Wajtan Chaakh travailla et vécut dans probablement dans une habitation de la structure U16 où fut retrouvé un tesson de céramique où fut peint son nom.




En ce qui concerne les rubriques, on notera la présentation du Codex Valeriano, document colonial en nahuatl, par Xavier Noguez. Il est notamment question d'une dispute de terrains. Noguez a l'habitude de nous présenter les principales caractéristiques physiques, historiques et iconographiques de chaque document ainsi qu'un court commentaire en une double page. María Castañeda de la Paz poursuit son exploration de la maison royale de Tenochtitlan et revient là aussi sur une double sur les tlatohque qui furent désignés par les vice-rois espagnols pendant la Colonie. L'historienne nous annonce qu'elle reviendra en détail sur ces personnages lors de ses prochaines doubles-pages.

Quant à Manuel Hermann Lejarazu, il s'est interrogé sur les signes prophétiques de la Conquête dans l'oeuvre de l'historien tlaxcaltèque Diego Muñoz de Camargo. Dans sa section d'anecdotes, Eduardo Matos Moctezuma narre à sa manière la visite guidée du Templo Mayor et de Cacaxtla qu'il donna au couple royal espagnol en 1978, peu de temps après la découverte des vestiges dans ces deux sites.




Fermons ce billet en rappelant la situation préoccupante que traverse le secteur culturel au Mexique. Nous nous sommes fait l'écho des revendications des archéologues, des restaurateurs et conservateurs dont les contrats ont été unilatéralement cassés ou les paiements restent en suspens. Depuis quelques semaines, Sergio Autrey Maza et María Nieves Noriega de Autrey, respectivement président et directrice génerale de l'éditeur Raíces, ont alerté sur l'abandon programmé des subventions que le gouvernement fédéral d'Andrés Manuel López Obrador. Alors que ce gouvernement se dit de gauche et prétend promouvoir l'éducation et la culture comme arme contre la violence endémique qui frappe le Mexique, les coupes budgétaires décidées ne permettront plus de rémunérer les auteurs qui publient dans la revue. Elles remettent aussi fondamentalement en cause le modèle économique et l'existence même d'une revue qui est utilisée par les enseignants, les amateurs d'histoire et d'archéologie, les chercheurs. Nous répétons donc l'appel aux abonnements lancé par les responsables de la revue et repris par différents contributeurs.

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