Accéder au contenu principal

Arqueologia Mexicana Hors-série 30 partie 1

Un mois après la sortie du numéro 96 de la revue bimestrielle, l'éditeur Raices et l'INAH propose au public un numéro hors-série au titre ambitieux : La religión mexica : catálogo de dioses. Résumer en un peu plus de quatre-vingt-dix pages ce qui constitue la pierre angulaire de la civilisation mexica est tout sauf une gageure. C'est Rafael Tena, titulaire d'une maîtrise à l'Universidad Iberoamericana et chercheur à la Direction d'Ethnohistoire à l'INAH, qui s'est vue remettre la responsabilité de cette lourde tâche. A priori, le thème semble répétitif et rabâché. Par le passé, plusieurs Arqueologia Mexicana ont été publiés en se rapportant plus ou moins directement à la religion des Mexicas comme les numéros 1, 15, 31, 63, 67, 89. Le numéro 91, intitulé justement "La religión mexica" et rédigé par les meilleurs spécialistes internationaux en anthropologie, semblait enfin boucler la boucle, en résumant les dernières avancées en matière de recherches pluridisciplinaires. A l'époque nous vous avions proposé un long article sur le sujet. Dès lors, publier un numéro hors-série sur le panthéon pourrait sembler contre-productif, voir redondant. 

Or Rafael Tena surprend le lectorat par l'ambition de son projet : "nous ne voulons pas que notre texte serve uniquement d'oeuvre à consulter, mais plutôt qu'elle constitue un stimulus pour approfondir la recherche de données et essayer de formuler de nouvelles interprétations et synthèses" (p. 6). Après expliqué dans une longue introduction les notions de "religion" et d' "anthropologie" afin de délimiter volontaire son cadre d'étude, Tena propose de rapprocher son approche scientifique de la religion mexica en la reliant aux sphères du mythe, de la magie, de la médecine, des "sciences" et des arts qu'il définit là aussi de manière précise mais sans jamais faire de références externes (p. 8-10). C'est d'ailleurs un des principaux reproches qu'on puisse faire à ce chercheur : proposer des définitions, faire des raisonnements qui ne sont accompagnés d'aucune référence bibliographique. Car on doute que Neta ait trouvé tout tout seul. J'imagine que c'est un choix délibéré de l'éditeur afin d'éviter l'ennui du lecteur et la longueur de l'avant-propos. Néanmoins, tant d'énergie déployée pour en arriver au truisme "la religion peut être mise en relation de n'importe quelle manière avec tous les domaines de la vie et de la connaissance humaine" (p. 10), "c'est un peu court, jeune homme" comme dirait Cyrano de Bergerac. 

  Dans un deuxième temps, Neta explique la méthodologie employée en quatre temps : comprendre que la religion mexica n'est pas figée mais changeante et adaptable aux circonstances. Cet aspect rappelle combien en effet les Mexicas intégraient les divinités d'autres peuples à leur panthéon, à l'instar de ce que faisaient les anciens Latins avec les divinités méditerranéennes. Pour autant il ne faut pas perdre de vue que la religion mexica, à l'instar d'une grande majorité des religions mésoaméricaines, repose sur un substrat commun. C'est que Seler a appelé la "continuité culturelle". et qui constitue un des fondements de l'histoire des religions de Mésoamérique (cf. Lopez Austin, Graulich, Olivier, Gonzalez Torres...). 

C'est ce que fait d'ailleurs remarquer Tena dans son deuxième axe méthodologique. Puis il décide de ne pas prendre en compte les différences internes à la société mexica, estimant que les croyances étaient différentes selon qu'on était de la noblese ou du commun. Selon lui, les conceptions véhiculées par la noblesse et le clergé constituaient la religion mexica officielle. Elles sont aussi les plus accessibles au regard des informations véhiculées au moment de la Conquête ou au début de l'époque coloniale. Le troisième point de l'introduction de Neta rappelle le synchrétisme dont étaient capables les Mexicas. Il développe rapidement l'origine du couple primordial et les 4 premiers dieux. Malheureusement aucune donnée (texte ou codex) n'est utilisée. Suit une réflexion sur la nature des dieux selon les indigènes préhispaniques, en particulier sur leurs "chasses gardées" naturelles et humaines. Neta revient en particulier sur la nature particulière, double du couple promordiale avant de rappeler que le panthéon mexica contient 144 noms correspondant à des dieux distincts ou à des invocations des mêmes dieux. Il met en avant trois critères pour faciliter leur identification : leurs fonctions, leur fréquence dans le culte officiel et la présence d'un lieu de culte dans l'enceinte du Templo Mayor. 

Tena revisite ensuite la création du monde, du soleil et de la lune, la création du temps et donc l'instauration des calendriers solaires (xiuhpohualli) et vénusiens (tonalpohualli) . Il fait la liste des vingt treizaines de ce dernier, puis celle des treize dieux associés aux jours du tonalpohualli, et les neufs appelés seigneurs de la nuit d'après ce que rapporte le Codex Tudela. A ce titre, il est intéressant de voir comment Neta rapporte l'hypothèse de Köhler d'une identification plus logique des vingt-deux divinités avec un des vingt-deux niveaux de l'inframonde ou des cieux. Afin de vous laisser digérer ce compte-rendu tout aussi indigeste que le travail malgré tout intéresssant de Neta, nous vous donnons rendez-vous dans un prochain article dans les prochains jours.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Huey tlamatini Miguel León-Portilla

In cuicapicqui Ninonpehua, nihuelncuica ompa ye huitz Tollanitic,  nihuelicuica, otozcuepo, motoma xochitl Huel xiccaqui ye mocuic: cuicaichtequini ¿quen ticcuiz, noyol? Timotolinia yuhquin tlacuilolli huel titlani, huel xontlapalaqui at ahihuetzian timotolinia (León-Portilla, 2012, 148-159) On n'espérait pas entendre cette annonce dans les journaux télévisés mexicains, sur les réseaux sociaux, les pages de centres de recherches. Voilà plusieurs mois que Miguel León-Portilla était hospitalisé pour des soucis bronchopulmonaires et semblait se récupérer lentement, comme l'indiquait son épouse Ascención Hernández en mai dernier au quotidien Milenio . Finalement, le chercheur mexicain probablement le plus récompensé jusqu'à présent n'a pas résisté plus longtemps. Lire son CV sur le site de l'Instituto de Investigaciones Históricas vous permettra de vous faire une idée de son importance pour les sciences mexicaines. Réduir
Au cœur de la zone archéologique de Tulum, dans l'État de Quintana Roo, une équipe de chercheurs de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) a fait une découverte extraordinaire. Alors qu'ils travaillaient dans le cadre du Programme de Mejoramiento de Zona Arqueológicas (Promeza) sur des sondages préalables à un nouveau sentier pour les visiteurs, une entrée de grotte cachée derrière un rocher a été mise au jour.  Enterrements 6 et 9. Photo : Proyecto de investigación Promeza, Tulum / Jerónimo Aviles Olguin. La découverte de cette grotte, située à l'intérieur de la zone fortifiée de Tulum, a été le point de départ d'une exploration qui a révélé des éléments remarquables. Lors des travaux de dégagement pour aménager un nouveau sentier entre les bâtiments 21 et 25, l'équipe a identifié une entrée scellée par un énorme rocher. En retirant ce dernier, ils ont révélé l'entrée d'une cavité jusqu'alors inconnue. À l'intérieu

Le Codex de Florence disponible en haute résolution

La Bibliothèque Numérique Mondiale est une alternative intéressante à la diffusion du patrimoine littéraire universel. C'est dans ce cadre que la Bibliotèque laurentienne a autorisé la numérisation de cet ouvrage si important pour les chercheurs sur le Mexique ancien. Il est désormais possible de consulter électroniquement le texte bilingue nahuatl-castillan et les illustrations qui accompagnaient chaque livre. Bonne lecture ! Références : Bernardino de Sahagún (2012). Codex de Florence . [En ligne] Disponible sur : http://www.wdl.org/fr/item/10096/#q=Codex+de+Florence&view_type=list&search_page=1&qla=fr. [Dernier accès 02/09/2013].