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1000e billet : remise d'une vaisselle de culture Aztatlan à l'INAH


(Remerciement à Guillermo Kantún por orientarme en la numeración maya)

Pour ce millième billet, je préfère vous laisser penser à cette curieuse annonce publiée sur le site de l’INAH dans un bulletin publié le 13 mai dernier. On y apprend qu’un collectionneur privé, le professeur Luciano  Sandovial, a remis au centre INAH-Nayarit une très jolie pièce en céramique peinte qu’il avait gardé chez lui pendant 18 ans.
 
Une première expertise a été effectuée par Mauricio Garduño Ambriz, chercheur du centre INAH-Nayarit et spécialiste des cultures du Nord-ouest du Mexique. Selon ces premières constations, la pièce aurait été élaborée il y a 900 ans, elle présente des éléments iconographiques propres à la culture Aztatlan qui connut son acmé entre les 10e et 14e siècles de notre ère.

Il s’agit « d’un vase polychrome de type globulaire à cou droit, tripode avec des supports évoquant des maracas. Il mesure 18 cm de haut et 13 cm de largeur maximale et il est décoré profusément comme dans la tradition picturale dite de Style codex ».

Le chercheur mexicain insiste sur le bon état de conservation de l’objet avant de détailler la décoration de ce vase. Deux scènes principales ont été peintes : la première représente le sacrifice rituel d’un individu par cardiectomie, la seconde met en scène un rituel funéraire de crémation. 24 personnages sont représentés sur toute la surface externe de la vaisselle. 

La scène de crémation comprend rait notamment une représentation du dieu de l’inframonde, Mictlantecuhtli. A ce titre il conviendrait de nuancer : il pourrait tout aussi bien s’agir d’un ixiptla de Mictlantecuhtli, c’est-à-dire un personnage le représentant. Rappelons que le nom Mictlantecuhtli est un nom de consonance nahuatl et n’est donc pas forcément le plus indiqué pour nommer une image appartenant à une culture et à une époque différente et éloigné comme celles des peuples vivant dans la vallée de Mexico. Il est accompagné de deux autres personnages portant des masques en forme de mâchoires décharnées sur le point d’allumer le bûcher funéraire.
 
L’ancien « propriétaire » du vase indique qu’avant son nettoyage, la vaisselle contenait des restes de cendres, d’os triturés et de dents. Selon Ambriz, cela indiquerait qu’elle ait servi comme urne funéraire contenant probablement les restes incinérés d’un ancêtre divinisé lié à un lignage important. L’archéologue rappelle qu’à l’époque, l’incinération était une pratique funéraire restreinte à une élite assimilée au soleil, divinité qui régissait notamment les cycles agricoles.

Mais le plus intéressant pour les archéologues n’est pas seulement l’objet en lui-même, mais aussi son contexte de découverte. En l’occurrence, c’est un petit miracle de savoir que M. Sandoval ait pu préciser où reposait originellement ce vase. Selon ses dires, elle serait originaire du site de San Felipe Aztatlán, actuellement en cours d’inscription au registre des Monuments et Zones archéologiques de l’INAH. Ce site comprend notamment un monticule haut de 10 m appelé Loma de la Cruz. A 130 m à l’ouest de cette butte repose une plateforme rectangulaire aux dimensions réduites (1,6 m de hauteur, 55 cm de longueur sur 45 cm de profondeur). C’est sur cette plateforme qu’avait été déposée l’urne rendue par M. Sandoval au peuple mexicain.

San Felipe Aztatlan fut une chèferie très importante à partir du Postclassique ancien : son pouvoir était fondé sur sa participation dans un important réseau commercial qui impliquait des échanges de marchandises aussi diverses que des produits somptuaires ou des ressources importantes comme le cuivre, la jadéite, la turquoise, ou l’obsidienne.

Pour conclure ce millième message, on pourrait donc retenir un petit miracle : l’urne ne contient plus tous les éléments incinérés et d’importantes informations médico-légales sont définitivement perdues. Cependant elle pourra probablement accélérer le procédé d’enregistrement du site, mettre en place un projet complet de fouilles, diminuant probablement la quantité de fouilles sauvages et de pillages qui peuvent avoir lieu dans la région.

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