Accéder au contenu principal

Les relations Teotihuacan - Tikal au Classique

Un bulletin de l'INAH résume une lecture proposée par le Dr Raúl García Chávez, chercheur au centre INAH de l'Estado de México. Rien de révolutionnaire mais il est bon de rappeler que depuis plusieurs années, archéologues, anthropologues et historiens de l'art essaient d'établir des liens entre les deux principales cultures mésoaméricaines du Classique : d'un côté Teotihuacan, sur le haut plateau central, de l'autre la zone maya, sur les hautes terres qui se partage entre le Chiapas et le Peten actuels. Matos Moctezuma rappelle l'existence de céramiques de type teotihuacain à Copan, Honduras, ou de stèles à Kaminaljuyu, Guatemala (2009: 78).

Carte situant Tikal, Guatemala

Rien de bien nouveau dans la mesure où l'on est à peu près que la métropole centrale avait des liens commerciaux avec Teotlalpan dans l'état d'Hidalgo, Cholula dans celui de Puebla, et que son influence s'est étendue jusqu'au Pacifique, à Ixtepete, ou vers la Côte du Golfe, à Matacapan (Matos Moctezuma, 2009 : 76-78).

Le Dr García Chávez propose une analyse iconographique de la stèle 31 de Tikal et de différentes petites céramiques, datées vers 370 de notre ère. Certaines représenteraient des personnages richement vêtus et portant une coiffe commune le personnage de droite, sur la stèle sus-mentionnée.

Stèle 31, Tikal, Guatemala, Classique ancien.
Retrouvé le 20 mars 2010 sur http://bit.ly/ds84MZ


Cependant il convient de faire justice à différents rédigés avant les travaux du Dr. C'est notamment le cas de David Stuart, dont une lecture de 1996 faisait déjà état des liens entre Teotihuacan et Tikal. Stuart montrait, via l'épigraphie, que les Mayas faisaient référence à Teotihuacan comme un lieu d'origine, "Tollan", le lieu des roseaux. Le personnage central utilisé dans la démonstration du Dr García Chávez, appelé Hibou-Lanceur de javelines, n'était pas le dirigeant de Tikal. Il fut possiblement dirigeant de Teotihuacan. D'ailleurs le glyphe Hibou-bouclier est visible sur les deux sites, ainsi qu'à Uaxactun. Pour Stuart, repris par García Chávez, ce glyphe représente un "lignage" ou un "clan". Car d'après les stèles, Yaax Nuun Ayiin (379-404), Siyaj Chaan K’awiil II (411-456), et K’an Chitam appartenaient à ce lignage et dirigèrent la cité jusqu'à la défaite de K'an Chitam contre Calakmul. Sur la stèle 31, on pourrait donc voir Yaax Nuun Ayiin revêtus d'atours teotihuacains.

Ces atours correspondraient à certains visibles sur plusieurs peintures murales de Teotihuacan. García Chávez appuie également sa démonstration sur certaines céramiques représentant des personnages assis sur leur trône et dont les paraphernalia rappellent curieusement celle de Tikal.

Le dernier élément qui prouverait ce lien étroit entre Teotihuacan et Tikal serait l'architecture des bâtiments du Groupe E Mundo Perdido de Tikal, observable sur le lien à cliquer. Là où la nouveauté apparaît, c'est dans l'affirmation que les sujets sacrifiés et enterrés à la Pyramide du Serpent à plumes de Teotihuacan étaient d'origines mayas. Les arguments médico-légaux et anthropologiques ne sont pas présentés dans le bulletin de l'INAH.

Jose Angulo Villaseñor avait rejeté l'hypothèse d'une conquête militaire de Tikal par Teotihuacan, notamment pour des raisons logistiques et matérielles. Selon lui, les stèles reflèteraient plutôt des alliances politiques et militaires. Cet argument serait valable si on ne considérait pas la manière dont l'empire mexica s'est développé 1000 ans plus tard dans des conditions matérielles assez similaires.

[édition du 1/04/2010. Suite à un commentaire laissé par un de nos lecteurs sur Facebook, il convient de rappeler que Kidder et Sanders publièrent en 1978 deux ouvrages publiés par l'Université de Pennsylvanie sur les rapports entre Teotihuacan et Kaminaljuyu.]

[édition du 2/04/2010.  Nous renvoyons nos lecteurs au site internet de Massimo Stefani. Il contient des référents visuels intéressants pour Tikal ou Kaminaljuyu.]

Références
Braswell, Geoffrey E. 2003. The Maya and Teotihuacan. Reinterpreting Early Classic Interaction. University of Texas Press, Austin.
Martin, Simon & Nikolai Grube. 20002. Crónica de los reyes y reinas mayas. Planeta, Mexico.
Matos Moctezuma, Eduardo. 2009. Teotihuacan, Colegio de México-FCE, México.
Stuart, David. 1996. "The arrival of strangers: Teotihuacan and Tollan in Classic Maya History", paper presented at Princeton University, October 1996 - Revised February 1998. Retrouvé le 30 mars 2010 sur http://bit.ly/ds84MZ .
Taube, Karl, 1992. "The Temple of Quetzalcoatl and the Cult of Sacred War at Teotihuacan". In RES: Anthropology and Aesthetics, No. 21 (Spring, 1992), pp. 53-87. Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20166842

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Des restes humains anciens découverts sur le site de la Morita, Nuevo León

Des archéologues ont mené des recherches dans la grotte préhistorique La Morita II, à Nuevo León, lors de la phase II et III de la saison de fouilles 2023-2024. Ils ont découvert des restes humains datant de 2 500 à 3 000 ans avant notre ère, accompagnés de fragments de vannerie, de textiles et de fibres, probablement issus du linceul qui les enveloppait.  Fouilles des phases II et III, La Morita, Nuevo León. Photo : Moisés Valadez, INAH. L'exploration, menée par l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire (INAH) et le Centre INAH Nuevo León, a également permis de trouver des ustensiles et des outils à usage domestique-rituel. Selon l'archéologue Moisés Valadez Moreno, les restes humains comprennent des phalanges, des métatarsiens, un cubitus, un humérus, plusieurs côtes et des dents, correspondant probablement à un bébé et deux adolescents en raison de la présence d'os de petite taille. Il est probable que les restes aient été délibérément démembrés et d...

Huey tlamatini Miguel León-Portilla

In cuicapicqui Ninonpehua, nihuelncuica ompa ye huitz Tollanitic,  nihuelicuica, otozcuepo, motoma xochitl Huel xiccaqui ye mocuic: cuicaichtequini ¿quen ticcuiz, noyol? Timotolinia yuhquin tlacuilolli huel titlani, huel xontlapalaqui at ahihuetzian timotolinia (León-Portilla, 2012, 148-159) On n'espérait pas entendre cette annonce dans les journaux télévisés mexicains, sur les réseaux sociaux, les pages de centres de recherches. Voilà plusieurs mois que Miguel León-Portilla était hospitalisé pour des soucis bronchopulmonaires et semblait se récupérer lentement, comme l'indiquait son épouse Ascención Hernández en mai dernier au quotidien Milenio . Finalement, le chercheur mexicain probablement le plus récompensé jusqu'à présent n'a pas résisté plus longtemps. Lire son CV sur le site de l'Instituto de Investigaciones Históricas vous permettra de vous faire une idée de son importance pour les sciences mexicaines. Réduir...

Guiengola : Une cité zapotèque révélée par le LiDAR

L'archéologie, cette quête passionnante du passé, se réinvente constamment grâce aux avancées technologiques. Aujourd'hui, c'est le LiDAR (Light Detection and Ranging), une technologie de télédétection par laser, qui nous offre un aperçu fascinant d'une civilisation méconnue : les Zapotèques de la période Postclassique tardive (environ 1200-1521 après J.-C.). Le site de Guiengola, au sud-est de l'État d'Oaxaca au Mexique, a récemment révélé ses secrets grâce à cette technologie révolutionnaire.  Avant l'utilisation du LiDAR, Guiengola était un site archéologique peu connu, partiellement exploré par des méthodes traditionnelles. La végétation dense et le terrain accidenté rendaient les explorations difficiles et limitaient notre compréhension de ce qui pouvait se cacher sous la surface. Mais l'arrivée du LiDAR a changé la donne.  Fig. 1. Carte du site archéologique de Guiengola, Oaxaca. L'avantage du LiDAR est sa capacité à couvrir de vastes zon...