Accéder au contenu principal

Les isotopes au top : vers une identification géogénétique de prisonniers de guerre mayas à Uxul

La vision romantique que certaines personnes peuvent encore avoir est belle et bien révolue: "grands astronomes, pacifistes et" sont souvent des épithètes qui reviennent dans l'imagerie populaire et les bouches des guides touristiques pour répéter ad libidum une image d'Épinal surfaite et mal venue. Les éléments que nous résumons dans les lignes suivantes pourront paraître crues, voir cruellement contemporaines. Ne croyez pas que nous en réjouissons : elle révèle simplement que la violence peut également être ritualisée. Maintenant que notre lectorat a été averti, entrons dans le vif du sujet, si nous pouvons parler ainsi. 

En 2013, l'Université de Bonn rapportait la découverte d'une cavité artificielle à Uxul, site maya situé actuellement dans l'état mexicain de Campeche. Appelé chultun, ce puits faisait partie d'un réseau de points d'eau artificiel qui récupérait les eaux de pluie. Le projet archéologique, dirigé par Nikolai Grube avait pu mettre en évidence la présence d'ossements humains appartenant à 24 individus et  remontant au Classique moyen. Concentrés sur une surface de 34 m2, les examens d'anthropologie physique avaient rapidement indiqué des stries sur les ossements, suggérant que les personnages ont pu être décapités et démembrés avant d'être inhumés. Nicolaus Seefeld a notamment détecté des marques de coups de hachette portées sur les vertèbres cervicales. 

Intérieur de la caverne et ossemensts, Uxul, Campeche.
Foto: Nicolaus Seefeld/Uni Bonn
Au delà de ces formes extrêmes de violence, les archéologues et anthropologues physiques ont pu déterminer l'âge et le sexe de quinze des vingt-quatre individus : il s'agit de 15 hommes et deux femmes âgées entre 18 et 40 ans (University of Bonn, 2013; Seefeld, 2015, 42). Certains présentaient des incrustations en jade sur leurs incisives, ce qui laissait plausible l'hypothèse d'individus dont le statut social était élevé. Les infections buccales qu'ils souffraient semblent lié à un régime carné, résultat de la chasse. De fait l'usure des articulations semblerait confirmer que certains individus étaient chasseurs (Seefeld, 2015, 42). Depuis de nouvelles études ont montré la présence d'adolescents et même d'un enfant âgé de 18 mois parmi les victimes sacrificielles (Université de Bonn, 2019).

Mâchoire avec incrustation de jadéite.
Photo: Nicolaus Seefeld/Uni Bonn.
Mais qui étaient ses individus ? S'agissait-il de prisionniers de guerre amenés à Uxul pour y être sacrifiés ou d'habitants d'Uxul ? En ce sens des analyses d'isotopes de strontium ont été menées. Rappelons que le strontium varie selon les sols et les roches. Il se propage dans la chaîne alimentaire et se fixe dans les os et les dents, comme le calcium. D'une certaine manière les isotopes de strontium nous donne une carte d'identité alimentaire du défunt, permettant de répondre aux deux questions suivantes : où a-t-il grandi ? Où s'est-il déplacé au cours de sa vie ? Le laboratoire de géochimie de l'institut de géophysique de l'UNAM a donné des éléments de réponse précis. Sur les 13 échantillons analysés, il semblerait que plusieurs viendraient d'un site maya situé actuellement à 95 kms au sud d'Uxul.

 À titre informatif, se rendre à Uxul relève de la gageure : le site est situé en pleine jungle, à 34 km au sud-ouest de Calakmul. Nous ne sommes donc pas prêts de visiter les vestiges qui témoignent des rivalités d'Uxul avec d'autres cités.

Bibliographie

Grube, N., Delvendahl, K., Seefeld, N. & Volta, B. (2012). Under the Rule of the Snake Kings: Uxul in the 7th and 8th Centuries, Estudios de cultura maya, XL, 11-49. http://dx.doi.org/10.19130/iifl.ecm.2012.40.162 

Seefeld, N. (2013). A Mass Grave within an Artificial Cave in Uxul, Mexicon, 35, 136-139. [archivo pdf] https://www.academia.edu/5917359/Nicolaus_Seefeld_2013_A_Mass_Grave_within_an_Artificial_Cave_in_Uxul

Seefeld, N. (2015). Registro arqueológico e Inferencias sociales sobre la Fosa Común de Uxul, Memorias del Encuentro Internacional Los Investigadores de la Cultura Maya. Costumbres y prácticas funerarias en el área maya a través del tiempo, 35-56. [archivo pdf] https://www.academia.edu/41288088/Nicolaus_Seefeld_2015_Registro_arqueolo_gico_e_Inferencias_sociales_sobre_la_Fosa_Comu_n_de_Uxul

University of Bonn. (10 de septiembre 2013). Maya dismembered their enemies: Researchers discover a 1,400-year old mass grave at Uxul, Mexico. https://phys.org/news/2013-09-maya-dismembered-enemies-year-mass.html

University of Bonn. (11 de diciembre 2019). Isotope analysis points to Mayan prisoners of war. https://phys.org/news/2019-12-isotope-analysis-mayan-prisoners-war.html?fbclid=IwAR1mSJthXXYXkvD_j06pDKjf50gU7Uk7PI3sauU3O7UgLeuX6vnaw2fp6V0

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Arqueologia Mexicana n°99

Avec le titre "De la crónica a la arqueología: visión de cinco ciudades prehispánicas", l'editorial propose une levée bimestrielle un peu moins rutilante que son précédent numéro sur Moctezuma. En même temps, il est difficile de faire plus fort que celui qui reste une figure importante de l'identité mexicaine. Faisons donc un rapide tour du propriétaire. Après les quelques brêves rappelant les fouilles à Chichen Itza, la restauration de la petite pyramide ronde du métro Pino Suarez ou la sortie du catalogue de l'exposition Moctezuma. Azteca Ruler, co-édité par Leonardo Lopez Lujan et Colin Mc Ewan, on peut lire l'hommage rendu par Eduardo Matos Moctezuma au Dr Miguel Leon-Portilla pour les 50 ans de la publication Visión de los Vencidos: relaciones indigenas de la Conquista . Suit une présentation du Codex Ixtlilxóchitl par Manuel Hermann Lejarazu. Le titre de ce document fait référence à son illustre propriétaire, Fernando de Alva Ixtlilxochitl (1578

Conférence au Musée d'Histoire Mexicaine de Monterrey

Un peu de pub pour notre chapelle. Après-demain, votre serviteur aura l'honneur de participer pour la troisième année consécutive aux Cuartas Jornadas de Estudios Mexicanos, organisées par l'Universidad de Monterrey au Museo de Historia Mexicana, dans le centre-ville de la Sultana del Norte. Au programme cette année, il sera question du "Passé préhispanique aux temps du Porfiriat et de la Révolution". Il s'agit simplement de présenter à un public non-spécialiste comment s'est forgée l'identité nationale mexicaine au moment du pouvoir autocrate de Porfirio Diaz en 1884 et 1910. Au delà de la redécouverte et de la réappropriation du passé préhispanique, on expliquera notamment la systématisation des études archéologiques et anthropologiques à cette époque. Je cherche d'ailleurs une revue pour publier la version de l'article que j'ai rédigé pour l'occasion. Si vous avez des contacts, envoyez-moi un courriel. Au pire des cas, j'utiliserai
Au cœur de la zone archéologique de Tulum, dans l'État de Quintana Roo, une équipe de chercheurs de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) a fait une découverte extraordinaire. Alors qu'ils travaillaient dans le cadre du Programme de Mejoramiento de Zona Arqueológicas (Promeza) sur des sondages préalables à un nouveau sentier pour les visiteurs, une entrée de grotte cachée derrière un rocher a été mise au jour.  Enterrements 6 et 9. Photo : Proyecto de investigación Promeza, Tulum / Jerónimo Aviles Olguin. La découverte de cette grotte, située à l'intérieur de la zone fortifiée de Tulum, a été le point de départ d'une exploration qui a révélé des éléments remarquables. Lors des travaux de dégagement pour aménager un nouveau sentier entre les bâtiments 21 et 25, l'équipe a identifié une entrée scellée par un énorme rocher. En retirant ce dernier, ils ont révélé l'entrée d'une cavité jusqu'alors inconnue. À l'intérieu