Accéder au contenu principal

Un jeu de patolli découvert à Dzibilnocac, Campeche

Le site de Dzibilnocac est situé dans la zone de style architectural dit Chenes, à la frontière avec les états voisins du Yucatan et du Quintana Roo. Il s'étend sur plus d'1.3 km2.  Les premières explorations archéologiques remontent à Catherwood et Stephens à moitié du XIXe siècle. Puis l'Allemand Teobert Maler effectua une série de clichés dans al zone d'Hochob entre 1881 et 1891. L'enregistrement et la cartographie ont suivi en 1973 par Nelson. Ce n'est qu'à la fin des années 1990 qu'ont eu lieu les premiers fouilles de surface, sous la direction de l'archéologue américaine Lorena Williams-Beck. Différents puits de sondage furent creusés en 2004 et des fouilles systématiques de la Structure A1 furent ensuite engagées, suite à la découverte de caches contenant du mobilier céramique et lithique.


Si les principaux témoignages architecturaux correspondent au Classique, Dzibilnocac a été occupé dès le Préclassique moyen soit 500 ans avant notre ère jusqu'au Postclassique. Entre novembre 2011 et janvier 2012 la structure A1 a subi différents travaux de conservation, en particulier sur la façade arrière de la Tour Est. Les ciments endommagés par les infiltrations ont été enlevés. Mesurant 74 m de long sur 30 de large, l'édifice A1 est composé d'une plateforme sur laquelle reposent 10 pièces disposées en croisées, recouvertes partiellement de trois tours. Chacune est décorée d'une sculpture représentant une divinité solaire.

Pendant les fouilles de la tour centrale, les archéologues dirigés par Heber Ojeda Mas ont fait une découverte intéressante : ils ont retrouvé ce qui semble être un plateau de jeu de patolli. Mesurant environ 50 cm de côté, il est gravé à même le sol d'une des pièces de la deuxième croisée.


Ill.1 Patolli, Structure A1, Dzibilnocac, Campeche.
Classique tardif.
Photo INAH, disponible le 23/02/2012 sur : 

L'archéologue Miriam Judith Gallegos explique que ce plateau de patolli n'est pas le premier à être découvert en contexte archéologique. Elle a participé à l'invention d'un plateau dans la Structure 7 de Calakmul dans un environnement similaire : gravé sur le sol, son accès et sa visibilité n'étaient probablement connus que d'un certain nombre de personnes. Dans les oeuvres de Sahagun (ill. 2) et Duran, on dispose de représentations de personnages jouant au patolli. font penser que le patolli était utilisé lors de rituels divinatoires. Chez ce dernier, on apprend que les Mexicas avaient une addiction aussi profonde que leur descendants regiomontanos pour les machines à sous dans les trop nombreux casinos de Monterrey. Par conséquent, les Espagnols décidèrent d'interdire le patolli.


 Ill. 2. Personnages jouant au patolli, Historia General de las Cosas de Nueva España.
 Illustration disponible le 23/02/2012 sur https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0b/Patolli.jpg .


Chez les Mexicas, Macuilxochitl était le dieu du patolli (ill. 3).

Ill. 3. Macuilxochitl et joueurs de patolli. Codex Magliabechiano, 121:

Le patolli de Dzibilnocac a une forme carrée et comporte 58 cases rectangulaires de taille irrégulières. Plusieurs d'entre elles sont marquées d'une croix incisée (ill.1). Des formes similaires de patolli sont visibles dans le Codex Vindobonensis (ill. 4) et d'autres documents comme les codex Xolotl, Aubin, Vaticanus B et Borbonicus (Gallego, 1994: 11). Il pouvait être aussi bien représenté à même le sol que sur une natte pour être transporté (comme tout bon jeu de voyage !).

Représentation d'un patolli, Codex Vindobonensis, pl.13.
Disponible le 23/02/2012 sur : 

Le patolli était pourtant bien plus qu'un jeu de hasard. Il est composé de 52 ou 104 cases, représentant ainsi un ou deux siècles mésoaméricains et la coïncidence entre les calendriers solaires et rituels. Deux participants devaient déplacer des haricots ou des petites pièces de céramiques (tepalcates) et parcourir les 52 cases. Son existence est connue depuis le Classique ancien à Teotihuacan. Mais pourquoi le nombre des cases ne correspond pas exactement aux 52 ou 104 à parcourir ? Selon Gallego (communication personnelle), les cases marquées d'une croix ne devaient pas être comptées lors des mouvements des pions.

Dans le cas des patolli retrouvés en contexte archéologique, notamment en zone maya, leur usage semble avoir été rituel. Dans le cas de Calakmul comme celui de Dzibinocac, il ne pouvait être accessible au commun. En revanche les exemplaires retrouvés à Teotihuacan semblaient être situés dans des zones de passage  (Gallegos, 1994 : 19).

L'INAH met à la disposition un bulletin en espagnol et un diaporama rapportant la découverte.

Références bibliographiques:
Carrasco, Ramón. 1982. Consolidación como perspectiva en la conservación del patrimonio cultural: Restauración en Hochob, Dzibilnocac y Chicanna, Campeche. INAH, México.

Gallegos Gómora, Miriam Judith. 1994. "Un patolli prehispánico en Calakmul, Campeche". In Revista Española de Antropología Americana, 14, pp. 9-24 Madrid : Edit. Computense. Disponible le 23/02/2012 sur : http://revistas.ucm.es/ghi/05566533/articulos/REAA9494110009A.PDF .

Nelson, Fred. 1973. Archaeological Investigations at Dzibilnocac, Campeche, México. Papers of the New World Archaeological Foundation, No.33. Brigham Young University, Provo, Utah.

Sánchez López, Adriana et José Agustín Anaya. 2006. "Dzibilnocac y Tabasqueño: Arqueología de la región Chenes". En XIX Simposio de Investigaciones Arqueológicas en Guatemala, 2005 (editado por J.P. Laporte, B. Arroyo y H. Mejía), pp. 838-855. Museo Nacional de Arqueología y Etnología, Guatemala (version en ligne disponible en http://www.asociaciontikal.com/pdf/76_-_Adriana_y_Agustin.05_-_Digital.pdf.

Williams-Beck, Lorena. 1999. Tiempo en trozos: Cerámica de la Región de los Chenes, Campeche, México. Gobierno del Estado de Campeche, México.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Des restes humains anciens découverts sur le site de la Morita, Nuevo León

Des archéologues ont mené des recherches dans la grotte préhistorique La Morita II, à Nuevo León, lors de la phase II et III de la saison de fouilles 2023-2024. Ils ont découvert des restes humains datant de 2 500 à 3 000 ans avant notre ère, accompagnés de fragments de vannerie, de textiles et de fibres, probablement issus du linceul qui les enveloppait.  Fouilles des phases II et III, La Morita, Nuevo León. Photo : Moisés Valadez, INAH. L'exploration, menée par l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire (INAH) et le Centre INAH Nuevo León, a également permis de trouver des ustensiles et des outils à usage domestique-rituel. Selon l'archéologue Moisés Valadez Moreno, les restes humains comprennent des phalanges, des métatarsiens, un cubitus, un humérus, plusieurs côtes et des dents, correspondant probablement à un bébé et deux adolescents en raison de la présence d'os de petite taille. Il est probable que les restes aient été délibérément démembrés et d...

Huey tlamatini Miguel León-Portilla

In cuicapicqui Ninonpehua, nihuelncuica ompa ye huitz Tollanitic,  nihuelicuica, otozcuepo, motoma xochitl Huel xiccaqui ye mocuic: cuicaichtequini ¿quen ticcuiz, noyol? Timotolinia yuhquin tlacuilolli huel titlani, huel xontlapalaqui at ahihuetzian timotolinia (León-Portilla, 2012, 148-159) On n'espérait pas entendre cette annonce dans les journaux télévisés mexicains, sur les réseaux sociaux, les pages de centres de recherches. Voilà plusieurs mois que Miguel León-Portilla était hospitalisé pour des soucis bronchopulmonaires et semblait se récupérer lentement, comme l'indiquait son épouse Ascención Hernández en mai dernier au quotidien Milenio . Finalement, le chercheur mexicain probablement le plus récompensé jusqu'à présent n'a pas résisté plus longtemps. Lire son CV sur le site de l'Instituto de Investigaciones Históricas vous permettra de vous faire une idée de son importance pour les sciences mexicaines. Réduir...

Guiengola : Une cité zapotèque révélée par le LiDAR

L'archéologie, cette quête passionnante du passé, se réinvente constamment grâce aux avancées technologiques. Aujourd'hui, c'est le LiDAR (Light Detection and Ranging), une technologie de télédétection par laser, qui nous offre un aperçu fascinant d'une civilisation méconnue : les Zapotèques de la période Postclassique tardive (environ 1200-1521 après J.-C.). Le site de Guiengola, au sud-est de l'État d'Oaxaca au Mexique, a récemment révélé ses secrets grâce à cette technologie révolutionnaire.  Avant l'utilisation du LiDAR, Guiengola était un site archéologique peu connu, partiellement exploré par des méthodes traditionnelles. La végétation dense et le terrain accidenté rendaient les explorations difficiles et limitaient notre compréhension de ce qui pouvait se cacher sous la surface. Mais l'arrivée du LiDAR a changé la donne.  Fig. 1. Carte du site archéologique de Guiengola, Oaxaca. L'avantage du LiDAR est sa capacité à couvrir de vastes zon...