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Compte-rendu Arqueología Mexicana 114

Voilà un numéro qui ne manquera pas d'attirer les amateurs de paradis artificiels. Dans cette publication, la part belle est faite aux boissons enivrantes et aux alcools consommés dans le passé et dans le présent par les peuples mésoaméricains.



Mais avant d'arriver à ce dossier central, la revue publiée par l'INAH nous propose une très longue section d'informations que nous avons couverte sur ce carnet. Vient ensuite une double page propose de courtes critiques sur différentes publications éditées l'année dernière. Suit une présentation du Códice en Cruz par le chercheur Xavier Noguez.

Un premier article signé par Emily McClung de Tapia et Nawa Sugiyama (fille de l'archéologue japonais Saburo Sugiyama) étudie sur l'utilisation (parfois la surexploitation) des ressources végétales et animales par les peuples indigènes passés et présents et propose une perspective différente pour la gestion de la biodiversité mexicaine. Il convient de rappeler que le Mexique figure parmi les pays à la biodiversité nombreuse mais menacée. Les deux auteures estiment notamment qu'il est nécessaire d'adopter des principes aussi simples que l'utilisation diversifiée des espèces animales, la rotation des cultures afin de "garantir la subsistance et minimiser le manque d'approvisionnement".

Le dossier central d'Arqueología Mexicana propose une analyse pluridisciplinaire sur les alcools en Mésoamérique. Avec l'article de Guilhem Olivier, on dispose d'une introduction idéale sur l'importance de l'alcool dans la mythologie et la religion mexica. Les figures centrales que sont Tezcatlipoca et Quetzalcoatl sont parfaitement présentées et on comprend les rôles complémentaires que ces deux divinités avaient dans l'apparition des boissons alcoolisés et ses conséquences. Il est notamment intéressant d'observer notamment chez les Mexicas comment la consommation d'alcool et l'enivrement étaient strictement réglementés. Cela n'était pas forcément chez d'autres peuples.

L'archéologue canadien Michael Blake s'est pour sa part intéressé à un usage alternatif mais complémentaire à celles que l'archéologie et la botanique semble avoir assigné au maïs. Car si la domestication du teocinte (maïs sauvage) a commencé il y a 9000 ou 10000 ans, certains éléments sembleraient indiquer qu'un usage relativement ancien de sa tige et de ses grains ait permis l'élaboration de vin de tige de maïs. La bibliographie de cet article est consultable en ligne sur : http://arqueomex.com/biblioBlake114.html.

Suit un très court papier de Gabriela Urñuela y Ladrón de Guevara et sa collègue de la Faculté d'Anthropologie de l'Universidad de las Américas de Puebla. Les deux chercheuses, rompues aux travaux et fouilles sur le site de Cholula, présentent beaucoup trop rapidement la grande peinture murale (56 m de long pour de 2,5 m de haut) dite des Bebedores de Cholula. Cette oeuvre presque sans équivalent en Mésoamérique aurait d'être plus détaillée.

Tout près de Cholula se situe le site de Xochitecatl-Cacaxtla. L'anthropologue Mari Carmen Serra Puche et l'archéologue Jesús Carlos Lazcano Arce nous explique comment des fouilles montre la fonction de chaque partie de ce site, parmi elles l'élaboration de mezcal. Ce sont des fours qui ont été soumis à des analyses chimiques comparées qui ont permis de comprendre l'utilisation de différents espaces fermés datant de l'époque préhispanique.

L'ethnoarchéologue Patricia Fournier et l'ethnohistorienne reviennent sur l'élaboration de trois boissons alcoloolísées que sont le pulque, le mezcal et le tesgüino. On pourra regretter une certaine redondance d'articles précédents, gâchant quelque peu l'intérêt de cette présentation.

Le dossier se clôt sur 6 pages résumant l'ouvrage d'Augusto Filloy, Teófilo Herrera et Miguel Ulloa.  Intitulé Más allá del pulque y del tepache. Las bebidas alcohólicas no destiladas indígenas de México, il a été publié par l'UNAM en 2003. Il s'agit d'un catalogue des boissons alcoolisées selon la matière première qui les compose. On notera la présence de sept types de boissons faites à partir :
  • de fruits,
  • d'écorces,
  • de pulpe,
  • de racines,
  • de sève,
  • de graines.
Refermons ce dossier passionnant et attardons-nous un instant sur un article rédigé à quatre mains sur les aventures d'un petit peintre français, receleur et marchand d'art préhispanique : Edouard Pingret. Leonardo López Luján nous avait déjà parlé de cet individu dans le numéro 107 : on y apprenait alors que Pingret avait formé le dessein de transporter la Pierre du soleil, actuellement au Museo Nacional de Antropología, au musée du Louvre. Une nouvelle fois accompagné de Marie-France Fauvet-Berthelot, l'archéologue mexicain revient sur la formation et la vente d'une collection de pièces qui aura 3000 pièces (parmi lesquelles figurent de nombreux faux). Pingret a très bien su faire jouer de ses influences au Mexique, surtout on considère la difficile application de la loi sur les monuments historiques. Personnellement j'ai pu connaître un nouveau serpent à plumes enroulé à ajouter à mon analyse : conservée actuellement a George Gustav Heye Center of the National Museum of the American Indian, à New York, cette pièce témoigne d'une histoire et d'un parcours pour le moins rocambolesque sur laquelle nous reviendrons une autre fois.

En ce qui concerne la partie archéologique de la revue, il convient de lire le très intéressant article de Rafael Burgos Villanueva, Miguel Covarrubias Reyna et Yoly Palomo Carrillo. Ils reviennent longuement sur la ville d'Izamal et montrent que le territoire directement contrôlé par cette cité yucatèque était bien plus vaste qu'on ne l'imagine. Izamal est pour l'heure plus connue pour son architecture coloniale. Mais les vestiges préhispaniques sont absolument impressionnants et sont pleins de promesses pour de futures fouilles. La bibliographie correspondante est disponible ici.


Pyramide de Kin'ich K'ak Mo, Izamal, Yucatan.
Photo disponible de Yodigo le 20 mars 2012 sur : 

L'histoire Carmen Aguilera explique l'histoire et le contenu du Lienzo de Tepeticpac. Enfin il semblerait qu'Eduardo Matos Moctezuuma ait commencé une série de courts articles sur certains mythes propagés par l'histoire officielle. Dans ce numéro, il revient sur l'image d'Epinal présentant les Mexicas s'arrêtant à proximité du cactus où se dresse un aigle dévorant un serpent...



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