Accéder au contenu principal

La théorie du mille-feuilles : le cas de Bellas Artes

Pas de recette pour amateurs d'anthropophagie aujourd'hui. Il s'agirait plutôt de parler de techniques archéologiques et de leurs résultats. Le mille-feuilles est évidemment une métaphore pour désigner ce qu'on appelle stratigraphie. J'ai beaucoup aimé cette photo proposée dernièrement sur le site de l'INAH : elle constitue un excellent exemple de stratigraphie.

Stratigraphie des fouilles du Palacio de Bellas Artes.
Photo disponible le 20 juillet 2010 sur http://bit.ly/bJkA5B .

Si l'analyse stratigraphique est une technique basique et ancienne de l'archéologie, elle n'a été introduite au Mexique que lors de fouilles dirigées par Manuel Gamio à Azcapotzalco vers 1908.

C'est grâce à la stratigraphie qu'on peut notamment dater différentes couches sédimentaires. Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, la stratigraphie nous permet de comprendre les différents phases d'occupation des environs du Palacio de Bellas Artes, tout près du centre historique de la ville. Sa construction débuta en 1910 pour fêter le centenaire du début de la guerre d'indépendance du Mexique. Mais des problèmes géologiques et la Révolution qui commença cette même année obligea le vieux président-dictateur Porfirio Diaz à quitter le pays et arrêtèrent le chantier qui ne se terminera qu'en 1934.

Depuis un an et le début des préparatifs du Bicentenaire de la Guerre d'Indépendance, l'arrière et le flanc du Palacio font l'objet d'une campagne de fouilles par la Direction de sauvetage archéologique de l'INAH. Miguel Hernández Pérez, coordinateur du projet, est revenu sur les avancées réalisées par son équipe lors des fouilles qui s'arrêteront dans les tout prochains jours.

Au total, ce sont 50 artefacts d'origine préhispanique, coloniale et même chinoise, une douzaine d'enterrements qui ont été extraits du sol, témoins de l'activité humaine dans cette partie très vivante du DF. Selon Hernández Pérez, tout commence par l'existence d'un site mexica, appartenant au calpulli de Moyotlan. Construit au sein d'un vaste réseau de canaux, les habitants de Tenochtitlan, appelés Tenochcas, y avaient construit des chinampas qui permettaient une agriculture qu'on peut encore observer dans la région de Xochimilco.

Les archéologues ont pu retrouver des figurines, des vaisselles, des sceaux, des encensoirs, des plats tripodes, des caissettes, des molcajetes (qui servaient à moudre les aliments), une lame d'obsidienne, des sifflets, l'extrémité d'une coa (bâton de semailles très importante dans les cultures mésoaméricaines), un brasero. Ces objets sont datés des phases Azteca II et III et Rojo Texcoco, c'est-à-dire au Postclassique terminal, peu avant la Conquête.

En ce qui concerne l'époque coloniale, les fouilles ont fait ressurgir les ruines d'un ancien couvent du 17ème siècle : une des quatre cours, des restes de colonnes, des pièces peintes de blanc et rouge avec des grecques de style Renaissance, des écus décorés d'anges, des motifs floraux et animaux, des médaillons avec des images franciscaines figurent parmi les éléments retrouvés. La dernière phase de construction du bâtiment a laissé comme traces une fontaine octogonale sur laquelle ont été posé des émaux blancs et bleus, une pile carrée et des pieds de colonnes de style toscan.

Les dix corps enterrés et couvert de chaux dateraient de la fin de la Colonie, suggérant qu'ils ont été victimes d'une épidémie. Toutefois les échantillons de chaux et de textiles seront analysés pour déterminer la maladie qui a frappé ces personnes.

Enfin, parmi tout le matériel en céramique correspondant à cette époque, Hernández Pérez rapporte l'existence d'assiettes avec le nom de nonnes, des assiettes, des cuillères, mais aussi des porcelaines Ming importées de Chine. Il convient de rappeler qu'à cette époque, l'empire espagnol s'étendait des Philippines à la Terre de feu et les échanges commerciaux entre la Nouvelle-Espagne et l'Asie étaient monnaie courante.

Comme vous l'aurez, ces longues fouilles de sauvetage, ont permis de confirmer une chronologie supposée. Qui plus est, la quantité d'objets et la variété de leurs origines montrent combien Mexico est une ville vivante et mouvante.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Arqueologia Mexicana n°99

Avec le titre "De la crónica a la arqueología: visión de cinco ciudades prehispánicas", l'editorial propose une levée bimestrielle un peu moins rutilante que son précédent numéro sur Moctezuma. En même temps, il est difficile de faire plus fort que celui qui reste une figure importante de l'identité mexicaine. Faisons donc un rapide tour du propriétaire. Après les quelques brêves rappelant les fouilles à Chichen Itza, la restauration de la petite pyramide ronde du métro Pino Suarez ou la sortie du catalogue de l'exposition Moctezuma. Azteca Ruler, co-édité par Leonardo Lopez Lujan et Colin Mc Ewan, on peut lire l'hommage rendu par Eduardo Matos Moctezuma au Dr Miguel Leon-Portilla pour les 50 ans de la publication Visión de los Vencidos: relaciones indigenas de la Conquista . Suit une présentation du Codex Ixtlilxóchitl par Manuel Hermann Lejarazu. Le titre de ce document fait référence à son illustre propriétaire, Fernando de Alva Ixtlilxochitl (1578
Au cœur de la zone archéologique de Tulum, dans l'État de Quintana Roo, une équipe de chercheurs de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) a fait une découverte extraordinaire. Alors qu'ils travaillaient dans le cadre du Programme de Mejoramiento de Zona Arqueológicas (Promeza) sur des sondages préalables à un nouveau sentier pour les visiteurs, une entrée de grotte cachée derrière un rocher a été mise au jour.  Enterrements 6 et 9. Photo : Proyecto de investigación Promeza, Tulum / Jerónimo Aviles Olguin. La découverte de cette grotte, située à l'intérieur de la zone fortifiée de Tulum, a été le point de départ d'une exploration qui a révélé des éléments remarquables. Lors des travaux de dégagement pour aménager un nouveau sentier entre les bâtiments 21 et 25, l'équipe a identifié une entrée scellée par un énorme rocher. En retirant ce dernier, ils ont révélé l'entrée d'une cavité jusqu'alors inconnue. À l'intérieu

Conférence au Musée d'Histoire Mexicaine de Monterrey

Un peu de pub pour notre chapelle. Après-demain, votre serviteur aura l'honneur de participer pour la troisième année consécutive aux Cuartas Jornadas de Estudios Mexicanos, organisées par l'Universidad de Monterrey au Museo de Historia Mexicana, dans le centre-ville de la Sultana del Norte. Au programme cette année, il sera question du "Passé préhispanique aux temps du Porfiriat et de la Révolution". Il s'agit simplement de présenter à un public non-spécialiste comment s'est forgée l'identité nationale mexicaine au moment du pouvoir autocrate de Porfirio Diaz en 1884 et 1910. Au delà de la redécouverte et de la réappropriation du passé préhispanique, on expliquera notamment la systématisation des études archéologiques et anthropologiques à cette époque. Je cherche d'ailleurs une revue pour publier la version de l'article que j'ai rédigé pour l'occasion. Si vous avez des contacts, envoyez-moi un courriel. Au pire des cas, j'utiliserai