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Un artiste saint-quentinois en terres mexicaines.

Il y a des coïncidences qui ne trompent pas.  Édouard Henri Théophile Pingret était un peintre originaire de Saint Quentin, dans l'Aisne (tout comme votre serviteur). De famille bourgeoise, Pingret a été formé à l'école de Jacques-Louis David, à Paris au début du 19e siècle.

Daguerrotype d'Edouard Henri Théophile Pingret, sans date, ni auteur.
Disponible le 13 janvier 2011 sur : 

Mais notre origine picarde et notre intérêt pour le Mexique (au point d'y vivre) semble là être les seuls points commun. C'est en tout cas ce que je peux en déduire quand je lis ce très bel article à quatre mains de Marie-France Fauvet-Berthelot et Leonardo López Luján : "La Piedra del Sol ¿en París?". Consultable partiellement sur le site de la revue Arqueologia Mexicana, ce papier nous montre également la manière dont certains explorateurs, artistes ou autoproclamés chercheurs ont pu causer plus de mal à ce pays en exploitant son patrimoine à des fins commerciales.

En fouillant dans une partie de sa correspondance inédite et retrouvée à la Réunion des Musées Nationaux, Fauvet-Berthelot et López Luján ont notamment découvert que Pingret avait un projet de Musée des antiquités mexicaines pour le Louvre. Nombre de ses lettres ont d'ailleurs été rédigées durant son séjour sur le sol mexicain, entre 1850 et 1855. D'autres furent envoyées entre 1863 et 1866. C'est d'ailleurs durant ce séjour que Pingret accumula plus de 2000 pièces en bois, métal et céramiques. Malheureusement pour lui, la plupart se sont révélés être des faux. Les auteurs soulignent également cette ironie de l'histoire : Pingret était persuadé de pouvoir acquérir des artefacts préhispaniques à bon prix car les Mexicains ne s'intéressaient guère à leur histoire !

Le musée d'antiquités mexicaines du Louvre inaugurée en 1850, Pingret proposa aux autorités la fabrication et le moulage de trois grands monolithes : la Pierre du Soleil, celle de Tizoc et la Coatlicue, toutes trois conservées actuellement au Museo Nacional de Antropologia à Mexico. Malheureusement pour différentes raisons, le projet ne vit pas le jour.

Pingret sut saisir une nouvelle opportunité lors de l'Intervention française au Mexique. Apprenant par la presse mexicaine l'état de conservation de la Pierre du Soleil, il décida de monter un projet de sauvetage dont la finalité peut nous paraître surprenante : utiliser la présence de l'armée française pour transporter le fameux monolithe jusqu'au port de Veracruz et l'envoyer en France pour qu'il y soit conservé.

L'idée de Pingret ne fut heureusement pas soutenue par le gouvernement français de Napoléon III. Qui plus est, l'empereur Maximilien, soutenu par le même Napoléon III, avait demandé la création d'un nouveau musée d'histoire où la Pierre du Soleil jouerait un rôle prépondérant. L'admnistration impériale mexicaine fit tout pour faire obstacle à cette idée, en dépit de l'instabilité politique du pays. Maximilien de Habsbourg, bien qu'autrichien, était parfaitement conscient de la valeur de ce monolithe. La commission scientifique napoléonienne put seulement compter sur des moulages effectués par Louis-Eugène Méhédin. Dans la débâcle française, Méhédin revint avec ses moulages dont certains furent exposés au Musée de l'Homme jusqu'en 2009.

Nous avons trouvé cet article de caractère historiographique particulièrement révélateur. Il donne également une image positive de l'empereur Maximilien. L'histoire officielle actuellement enseignée aux jeunes Mexicains n'insiste pas sur ce profond respect de Maximilien pour le passé préhispanique et comment il souhaitait le mettre à la disposition de la population.  Quant aux artistes saint-quentinois, je préfère me contenter de Quentin de la Tour ou d'Henri Martin.

En complément à cet article, vous pouvez voir les oeuvres de Pingret sur le site du Louvre en cliquant directement sur ce lien.

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