

Tatouages, piercings sont autant de gestes que les jeunes occidentaux effectuent pour affronter la peur et pour sortir des idéaux de beauté contemporains. Pourtant, ils ne font parfois que reprendre que des pratiques séculaires, voir millénaires. Un petit voyage à travers les époques et les continents s’impose pour vérifier cela !
En Birmanie une tradition curieuse a cours parmi les femmes de la tribu Padaung : l'allongement du cou par des anneaux. Chaque fois qu'une nouvelle série d'anneaux est mise, le cou semble s'allonger (en fait, les vertèbres restent intactes). Les premiers anneaux sont placés vers 5-6 ans au cours d'une cérémonie et sont renouvelés tous les 3 ans. Les femmes adultes peuvent porter jusqu'à 10 kg d'anneaux. Si ceux-ci devaient être retirés, les muscles atrophiés de leur cou ne pourraient soutenir le poids de leur tête...

Ill. 1 : Femme Padaung et son collier.
N’allez pas croire que seules les femmes pourraient réaliser ces déformations. Chez certains peuples africains, les scarifications sont monnaie courante. Elles déterminent autant les différences entre groupes ethniques que la hiérarchie au sein d’un même groupe. Les rituels qui régissent la scarification tiennent souvent de nature initiatrice pour certaines catégories sociales. En témoigne cette très belle sculpture Djennenké (peuple du Mali) : les yeux ciselés de ce chef donne un regard impérieux souligné aux tempes de trois petits rangs de scarifications en damiers. Ce personnage est également orné de riches atours qui traduisent bien sa fonction.

Ill. 2 : Grande statue Djennenké, Territoire Djenné, environ XIème après J.-C., hauteur : 1,91 m, Musée du Quai Branly, Paris.
Au Brésil, Les Kayapo se déforment volontairement la lèvre inférieure avec des petits plateaux de terre cuite. Il paraît que leur ami Sting n’a jamais voulu tenter l’expérience…

Ill. 3 : Raoni Metuktire, chef des Indiens Kayapo du Brésil.
Je terminerai ce petit tour des curiosités corporelles en vous rapportant quelques pratiques très courantes chez les Mayas. Les figurines mayas provenant de l'île de Jaïna (Yucatan), nécropole réservée aux défunts de la hiérarchie, elles nous donnent une lecture très vivante des canons esthétiques et des critères de beauté. Les peuples mayas du VIIème au IXème siècle ap. J.-C. apposaient notamment deux plaques de bois, une sur le front, l’autre derrière la tête. Des lanières passaient derrière la nuque pour maintenir l’ensemble. Avoir un front bien plat était un idéal de beauté à part entière.

Ill. 4 : Instrument de déformation crânienne sur une figurine maya. Céramique, Popul Vuh Museum, Guatemala Ciudad.

Ill. 5 : Pacal II, roi de Palenque. Tête en stuc, vers 650 ap. J.-C. Musée National d’Anthropologie, Mexico.
Selon un chroniqueur espagnol, loucher était une marque de distinction car cela rappelait les yeux des créatures solaires (Dalida aurait eu un de ces succès dans ces contrées lointaines). La scarification et les peintures corporelles étaient également monnaie courante. Les dents de devant pouvaient être limées et porter des incrustations de jade ou de pyrite. Ce traitement de la dentition tendait à prouver l’endurance et le courage de celui qui se faisait arranger. Il semblerait que ces pratiques avaient essentiellement les noblesses locales comme « clientes ». Il y a peu de témoignages concernant le petit peuple. L’incrustation était plutôt réservée aux hommes, le remplissage aux femmes.

Ill. 6 : Décoration dentaire par remplissage et incrustations; Ixtonton, Guatemala; vers 650 ap. J.-C.
Nous avons pu constater combien être beau pouvaient avoir des implications esthétiques mais également rituelles ou sociales. Certaines peuvent susciter la surprise, d’autres l’indignation. Profitez d’un éventuel séjour parisien pour visiter l’exposition Signes du corps au Musée Dapper. Elle est ouverte jusqu’au 17 juillet de cette année :
http://www.dapper.com.fr/expositions/en_cours.htm.
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