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Le serpent à plumes de Santa Cecilia

Santa Cecilia Acatitlan est situé à quelques encablures de la capitale du México. Située à trois kilomètres de la pyramide double de Tenayuca, une pyramide aztèque restaurée se cache à côté de l'église. Un petit musée contient les principales sculptures et pièces découvertes au fil des différentes campagnes de fouilles. Parmi les objets découverts, il y a cette sculpture massive. Elle mesure 45 cm de haut pour 70 cm de diamètre maximum.


Serpent à plumes de Santa Cecilia Acatitlan, Edo de Mexico.
Photo prise le 30 septembre 2009 par B. LOBJOIS.

Observons le corps du serpent à plumes enroulé sur lui-même. Sur la partie supérieure, on peut reconnaître un grand coquillage (Gigas strombus) coupé dans sa longueur. Ce coquillage était appelé ehecacozcatl en nahuatl. Blas Castellon identifie cet attribut comme étant un signe de Vénus (2002 : p. 32). Mais le coquillage est avant tout considéré comme une représentation symbolique de la matrice. Pour Graulich notamment, le coquillage est en étroite relation avec la création de l'humanité. Les mythes relatant cette épisode donnent une place particulière au dieu Quetzalcoatl.

Si le corps de l'animal est parfaitement conservé, au point de voir des mouvements se dégager du corps emplumé, la tête et la gueule ont malheureusement été détruites. On ignore si un silex était présent sur la langue bifide ou si des plaques à motif de natte avaient été sculptées au-dessus de ses yeux.

Il ne fait aucun doute que ce serpent à plumes était une représentation du dieu Quetzalcoatl-Ehecatl postclassique sous l'apparence d'un de ses nanahualtin, le serpent à plumes. Les textes coloniaux comme le Codex Borbonicus décrivent le dieu avec ses attributs typiques : bec d'oiseau, bonnet conique en peau de jaguar, peinture noire des prêtres, peinture faciale typique faite de noir, d'une rayure verticale sur le nez et une partie du front, la bouche entourée de rouge (1991 : pl. 3). L'ehecacozcatl apparaît en pectoral.


Représentation de Tepeyollotl et de Quetzalcoatl, Codex Borbonicus, pl. 3.
Photo prise par B. LOBJOIS à partir du fac-simile publié en 1991.

Toutefois l'association entre le serpent à plumes et le coquillage n'est pas récente. Les premières associations datent en fait de Teotihuacan, si on prend en compte les reliefs peints des talud-tableros de la Pyramide du Serpent à plumes.


Détail du tablier nord-ouest,
Pyramide du Serpent à plumes, Teotihuacan, Edo de Mexico.
Photo prise en mai 2002 par B. LOBJOIS.

Sur les reliefs ornant la majestueuse pyramide de Xochicalco, on peut voir coquillages et serpents à plumes encore plus précisément. Ils sont directement présents sur le corps des créatures.


Serpent à plumes, Pyramide des serpents à plumes, Xochicalco, Morelos.
Photo prise le 12 octobre 2004 par B. LOBJOIS.

Le coquillage a plusieurs significations, toutes en relation avec la fertilité. Le coquillage représente la matrice, origine de la vie. C'est aussi l'instrument dans lequel on souffle, reproduisant ainsi le vent qui apporte les pluies, à l'instar de ce qui rapportent les informateurs de Sahagún.

Références bibliographiques :
Castellon Huerta, Blas.
2002. « Cúmulo de símbolos La serpiente emplumada ». In Arqueologia Mexicana, enero-febrero 2002, vol. IX, núm 53, Editorial Raices-INAH, p. 28-35.

Codex Borbonicus.
1991. El libro del Ciuacóatl. Homenaje para el año del Fuego Nuevo libro explicativo del llamado Códice Borbónico. Ferdinand Anders, Maarten Jansen et Luis Reyes García (éds.), Sociedad Estatal Quinto Centenario-Akademische Druck–und Verlagsanstalt- FCE, Madrid/Graz/Mexico.

Isis y la Serpiente Emplumada
2007. Catalogue de l'exposition Isis y la Serpiente Emplumada, Fundación Monterrey 2007, UNESCO-INAH-CONACULTA-Superior Council of Antiquities, Mexico.

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