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L'offrande 167 ou la ritualisation du mythe mexica de la Lune et du Soleil

En mémoire de Lourdes Cué Ávalos, coordinatrice de publications au Musée du Grand Temple, Mexico, décédée le 23 janvier 2016.


Une fois encore, il faut se satisfaire des brèves et articles, parfois biaisés ou incomplets, que publie la presse mexicaine pour se faire une idée des fouilles au Mexique. La page officielle de l’INAH a complètement ignoré pour l’heure la découverte d’une nouvelle offrande dans le cadre du Projet Grand Temple que dirige Leonardo López Luján. Les propos qui suivent sont le fruit d’une lecture attentive d’un article de Reyna Paz Avendaño publié sur le site du quotidien La Crónica de Hoy et de quelques messagess  avec différents membres du Projet Templo Mayor.


Dessin de Coyolxauhqui,
Disponible le 24/01/2016


Parlons tout d’abord du contexte de cette découverte. L’offrande 167 fait partie d’un groupe de cinq offrandes mises au jour par les archéologues Nicolás Fuentes Hoyos y Gerardo Pedraza Rubio, membres du Projet Grand Temple. Les jeunes chercheurs furent chargés de fouiller l’endroit où sera prochainement construite une passerelle entre les rues Argentine et Guatémala. L’offrande a été déposée directementdans l’axe du monolithe de Coyolxauhqui mais appartient à une étape postérieure de construction, datée sous le règne d’Ahuizotl.


Au total ce ne sont pas moins de 336 objets qui ont extraits de l’offrande 167, à l'intérieur d'une cache mesurant 40 cm de longueur sur 38 cm de largeur. En voici un petit et incomplet inventaire, accompagné de leur possible origine :
  1. vingt-sept couteaux de silex, dont cinq étaient anthropomorphisés en tant qu’ixquauac,
  2. six coquillages originaires de l’Océan Pacifique,
  3. cent quatre-vingt-sept lamelles de pierre verte et cinq billes de pierre verte, originaire d’un gisement métamorphique au Guerrero ou en Oaxaca.
  4. le squelette complet d’un serpent déposé vivant ou récemment sacrifié.
  5. vingt petit objets d’or fonctionnant par paires : quatre coeurs, quatre os croisés, deux boucles d’oreilles, six sonnettes de serpent. Ces éléments ont été travaillé avec la technique du repoussé et étaient tous perforés. Il est donc probable qu’il formaient un collier. L’or est un matériau rare au Templo Mayor. Quand bien même les conquérants espagnols espéraient en trouver en grande quantité lorsqu’ils sont arrivés à ce qui allait devenir la Nouvelle-Espagne, les Mexicas comme une énorme majorité des peuples de cette partie du monde, préfèrent la pierre verte, la turquoise ou l’obsidienne. Il semblerait que le gisement d’origine utilisé pour ses objet soit situé au Guerrero ou en Oaxaca.
  6. des sonnettes en cuivre décorées d’un motif en spirale. Leur parfait état de conservation est notamment dû au fait qu’elles aient été enfermées dans un mélage de sable et de chaux. Le minerai est probablement originaire du Guerrero ou du Michoacan.


Fuentes et Pedraza en sont encore à établir ainsi le scénario du dépôt de chaque élément. La version exposée dans l’article de la Crónica pourrait être vue. Mais elle nous montre la profonde ritualisation liée au dépôt d'offrande et nous invite à imaginer le soin avec lequel on rendait hommage aux divinités.


Dans un premier temps, le prêtre délimitait un cercle de pierres sur la plate-forme récemment construite. Sur le fond était déposée une fine couche de sable, dont les archéologues ont aussi retrouvé la trace et essaient de déterminer l’origine marine ou lacustre. Ensuite auraient été placés successivement les couteaux de silex, les lamelles de pierre verte, et enfin les objets en or et les sonnettes en cuivre. Après avoir recouvert l’ensemble d’un mélange de chaux et de sable, les dalles auraient scellé l’offrande et achevé la plate-forme.


Selon Leonardo López Luján, les liens entre cette offrande et une possible recréation du mythe de Coyolxauhqui sont multiples. D’une part, la présence des pendants d’oreilles et des clochettes feraient référence au tzotzopaztli, attribut féminin par excellence et de plusieurs déesses préhispaniques dont Coyolxauhqui. D’ailleurs les femmes étaient parfois désignées par le diphrasisme, in malacatl in tzotzopaztli, “la broche, le fuseau”.  Cette machette de tissu rappelle aussi que la déesse voulait tuer son jeune frère Huitzilopochtli au moment de sa naissance. La présence de pointes de flèches dans l’offrande évoque la présence des 400 mimixcoa qui furent massacrés avec elle sur la Montagne du Serpent, le Coatepec.


Il ne s’agit pour l’heure que de résultats préliminaires. Il convient donc pour le moment de prendre les résultats proposés par López Luján et son équipe avec prudence, selon leurs propres dires.

Paz Avendaño, R. (2016). Hallan ofrenda con piezas de oro en el Templo Mayor. Cronica.com.mx. Disponible en ligne le 24 janvier 2016 : http://www.cronica.com.mx/notas/2016/940759.html#.

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