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Une école des Beaux-Arts et des Lettres à Ek Balam, Yucatan

Nota bene. Nous souhaitons remercier Leticia Vargas, co-directrice du Projet Archéologique Ek Balam, de nous permettre la reproduction du plan d’Ek Balam et des peintures murales des 96 y de la Chambre 22. Ces images sont soumises aux droits d’auteur et requiert d’une autorisation de Mme. Vargas et/ou de l’INAH pour les reproduire.



Si le titre de ce billet peut surprendre, il essaie d’établir un parallèle avec des termes connus et entendus par nos lecteurs. L’appliquer à un site maya classique relève pour le moins de l’imprécision, au pire de l’impropriété. Cependant différentes recherches semblent tendre vers une hypothèse intéressante que nous souhaitons aborder aujourd’hui, suite à la publication d’un bulletin par l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire. Cette hypothèse de travail a récemment été formulée par les archéologues Leticia Vargas de la Peña et Victor Castillo Borges. Quels éléments archéologiques, épigraphiques, iconographiques, architecturaux permettraient de valider cette hypothèse ?

Rappelons qu'Ek' Balam a connu son acmé au Classique tardif. Situé au sud-ouest de l'actuel état du Yucatan. Les vestiges architecturaux formant le centre politico-religieux sont conservés derrière une double muraille en pierre.


Plan d'Ek Balam.
Dessin : Projet Ek Balam / INAH.
Comme souvent dans l’Histoire, il convient d’avoir un dirigeant avec une certaine idée de son pouvoir. Cela tombe bien : Ukit Kan Lek Tok régna pendant plus de trente ans (entre 770 et 801 de notre ère) sur le royaume de Talol, dont Ek Balam (Jaguar noir) était la capitale. Ces restes furent d’ailleurs déposés dans une des structures formant l’énorme Acropole. Le nom de ce lieu est d’ailleurs révélateur : l’épigraphie a permis la lecture de Sak Xok Naah, la Maison blanche de la Lecture.

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Entrée tératomorphe de la Maison blanche de la lecture avec sculpture de Ukit Kan Lek Tok.
Ek' Balam, Classique tardif.
Photo : B. Lobjois/Mexique ancien.

Au Classique ancien, Ek Balam a connu l’arrivée et l’influence d’artistes et calligraphes originaires des Basses Terres du Sud. Ils ont notamment apporté l’usage de la ligne de contour qui a tout de suite été adopté sur la céramique, la peinture murale (Lacadena-García, 2004 : ill. 21, p. 60), les dalles qui fermaient les fausses voûtes (Lacadena García-Gallo, 2004 : ill. 6, p. 25 ; ill. 7, p. 27 ; ill. 8, p.29 ; ill. 9, p. 31 ; ill. 10, p. 33 ; ill. 11, p. 35 ; ill. 13, p. 39 ; ill.15, p. 42 ;). Ils furent probablement invités par Ukit Kan Lek Tok pour créer les peintures murales calligraphiées des 96 glyphes (Lacadena García-Gallo, 2004, ill. 18a, b, c, d, e, p. 49-51) et de la Chambre 22 (Lacadena García-Gallo, 2004, ill. 22a, b, p. 63). Dans ce dernier cas, il est question des cérémonies effectuées lors des jours néfastes appelés wayeb et qui fermaient l’année.
Relevé fragmentaire de la peinture murale, Chambre 22.
Dessin : Proyecto Ek Balam/INAH
Comme tout chef militaire sachant faire de l’art une arme de propagande, Ukit Kan Lek Tok’ a commandité une iconographie martiale dont on a gardé quelques fragments : on y retrouve notamment des images de guerriers armés de lancés, de boucliers et décorés de coiffes emplumées ou de personnages dénudés qui effectuent des rituels d’autosacrifice.

Des analyses d’échantillons de peintures originaires de Chichen Itza ont été soumis à des observations au microscope à balayage électronique et ont révélé que leurs auteurs ont utilisé les mêmes argiles que sur le site d’Ek Balam. D’autre part, certains éléments épigraphiques de Chichen Itza présentent des similitudes déjà présentes à Ek Balam.

Des 5000 fragments catalogués à ce jour, Alejandra Alonso Olvera, restauratrice de l’INAH, a pu établir les origines de la palette chromatique utilisée par les artistes d’Ek’ Balam. Ainsi deux types de rouge ont été utilisés, l’un d’entre eux étant le cinabre originaire du Centre du Mexique ou des Hautes Terres du Chiapas, le noir de charbon, le blanc à partir du lait de chaux et le bleu maya. En ce qui concerne le jaune et le vert, ils auraient été obtenus en mélangeant des colorants végétaux mélangés à certains minerais. Ce travail d’analyse chimique a été complété par une observation des différentes couches polychrome déposé sur les parois.


Fragment de la peinture des 96 glyphes.
Photo : Projet Ek Balam / INAH.
Relevé fragmentaire des 96 glyphes.
Photo : Projet Ek Balam / INAH.

Ek Balam est encore peu connue du grand public et son patrimoine écrit ou peint n'est pas accessible au visiteur quand on se rend sur le site pour d'évidentes raisons de conservations. Les travaux du Projet Ek Balam et leur diffusion sont par conséquentes d'une importance cruciale.


Bibliographie
Bey , G. J. III, Hanson, C. et Ringle, W.. "Classic to Postclassic at Ek Balam, Yucatan: Architectural and ceramic evidence for defining the transition." Latin American Antiquity (1997): 237-254.

Bey, G. J. III, TM Bond, W. Ringle, C. Hanson, CW Houck, y C. Peraza L. 1998" The Ceramic Chronology of Ek Balam, Yucatan, Mexico. Ancient Mesoamerica, 9, 101-120.

Lacadena García-Gallo, A. (2005). Los jeroglíficos de Ek’ Balam. Arqueología mexicana, (XIII) 76.

Lacadena García-Gallo, A; (2002), El Corpus Glífico de Ek’ Balam, Yucatán, México, document pdf disponible en ligne le 14/03/2015 : http://www.famsi.org/reports/01057es/01057esLacadenaGarciaGallo01.pdf .

Ringle, W. M., Bey III, G. J., Freeman, T. B., Hanson, C. A., Houck, C. W., & Smith, J. G. (2004). The decline of the east: the Classic to Postclassic transition at Ek Balam, Yucatan. The Terminal Classic in the Maya lowlands: collapse, transition, and transformation, 485-516.

Vandenabeele, Peter et al. "Raman spectroscopic analysis of the Maya wall paintings in Ek’Balam, Mexico." Spectrochimica Acta Part A: Molecular and Biomolecular Spectroscopy 61.10 (2005): 2349-2356. Fac-similé pdf disponible le 08/01/2016 : https://www.researchgate.net/profile/Samuel_Bode/publication/7714867_Raman_spectroscopic_analysis_of_the_Maya_wall_paintings_in_Ek%27Balam_Mexico/links/02bfe50fdb88409b27000000.pdf

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