« Que serait-il advenu de ces civilisations et de leurs religions si elles n’avaient pas été détruites par les Conquistadores ? De quelle richesse nous sommes-nous privés, même si la « pensée indigène » est toujours vivante et que les anciens cultes, résistant parfois même au syncrétisme, revivent ici et là ? »
Voici les questions que le Hors-Série n° 13 de la revue « Le Monde des Religions » se propose d’explorer avec ses lecteurs. A travers vingt « clés de compréhension », c’est-à-dire vingt brefs articles, la revue essaie de mieux comprendre le fonctionnement des anciennes religions préhispaniques et leur panthéon, foisonnant et complexe aux yeux des néophytes.
Certains des spécialistes français les plus connus ont collaboré à la création de ce numéro, paru au début du mois d’avril.
Christian Duverger, directeur d’étude à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), ouvre le dossier consacré aux civilisations méso-américaines avec un article sur l’espace-temps. Il aborde notamment l’idée d’une pensée religieuse « métisse », là où le panthéon des peuples nomades et chasseurs du nord du Mexique, caractérisé par des divinités stellaires, se mélange avec celui des peuples sédentarisés, dont les cultes principaux sont ceux des dieux du maïs et de la pluie. Plusieurs exemples sont proposés, comme le cas de Xipe Totec, « Notre Seigneur l’Ecorché », divinité au début liée à un petit groupe humain et ensuite « exporté » en toute la Méso-Amérique.
C’est Guilhem Olivier, professeur et chercheur à l’Universidad Nacional Autónoma de Mexico, à prendre la suite, avec un article consacré à la lutte mythique entre Quetzalcoatl, le « Serpent à plumes », et Tezcatlipoca, le « Seigneur au Miroir Fumant ». Il aborde aussi les récits mythiques des anciens Mexicains, avec les créations successives des ères du monde, la naissance du soleil et de la lune à Teotihuancan, la naissance du chant et l’idée très discutée selon laquelle les indigènes auraient vu dans l’arrivée des Espagnols, en 1519, le « retour » de Quetzalcoatl. Une partie de l’article résume la biographie et la méthodologie de travail de Bernardino de Sahagún par rapport à l’étude de la civilisation aztèque. Ces mêmes thèmes mythologiques sont ensuite abordés par Eric Taladoire, Professeur d’Archéologie précolombienne à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, en relation au monde maya. La cosmologie maya, avec sa mythologie fondée sur la succession des ères et la vision d’un cosmos divisé par rapport aux quatre points cardinaux et au centre, cinquième point, est ici présentée. La matérialisation « visuelle » de ces croyances est étudiée au niveau archéologique, comme c’est le cas du complexe de pyramides jumelles de Tikal. Un bref résumé est dédié au Popol Vuh, le livre sacré des Mayas Quiché.
Le dossier continue avec la présentation des principales divinités du panthéon aztèque et maya, par Florence Quentin, rédactrice en chef de ce hors-série, et par un autre article signé par Duverger, consacré à son interprétation « énergétique » du culte solaire aztèque, selon lequel cet astre, continuellement dans le risque d’épuiser son énergie, demande en permanence aux hommes à être alimenté avec les cœurs des sacrifiés.
C’est encore Florence Quentin à prendre la suite, avec une brève présentation de la figure mythique de Quetzalcoatl, le « Serpent à plumes », et en particulier à la chute de Tollan et à la transformation du dieu en la planète Venus. Michel Cazenave, écrivain et poète qui a dirigé « L’encyclopedie des symboles », présente un article consacré aux déesses aztèques, appelées « filles de la vieille mère », où il attire l’attention sur la caractéristique propre aux déesses aztèques de partager des traits communs, en relation avec l’eau, le maïs et la terre, ainsi qu’avec le domaine de la mort.
Nathalie Ragot, professeur à l’Université de Paris VII Diderot, consacre son étude aux rituels et aux fêtes aztèques : elle présente une liste des cérémonies des vingtaines de l’année solaire ainsi que quelques renseignements sur les fêtes « mobiles » liées au calendrier divinatoire et à la célébration du « Feu Nouveau ». Les fêtes sont présentées dans leurs activités principales, avec les nombreux rituels d’autosacrifices et pénitences qui précédaient le sacrifice d’une « ixiptla divine ». Ces rituels avaient le but d’assurer la bonne marche de l’univers, de prévenir la fin du monde et de veiller à que la terre donne ses fruits en abondance.
Le thème du sacrifice humain en tant que offrande aux dieux et élément-clé du « noyau dur » de la pensée religieuse méso-américaine est étudié par Gregory Pereira, chargé de recherche au CNRS, au laboratoire « Archéologie des Amériques » (Paris I). Il souligne l’extension de cette pratique dans toute la Méso-Amérique, et non pas seulement dans la culture aztèque, et il attire l’attention sur l’importance d’expliquer ce phénomène à travers la compréhension des principes qui structuraient l’univers mésoaméricain, conçu comme une succession cyclique d’éléments antagonistes.
Le dernier article consacré au Mexique central est encore signé par Guilhem Olivier, où il aborde les différents au-delàs de la pensée religieuse aztèque, le mythe du maïs ainsi que l’idée d’un paradis durement gagné grâce à une vie de dévotion et de pénitence. Les derniers brefs dossiers dédiés à la Méso-Amérique, présentés par Eric Taladoire et Michel Cazenave, sont centrés sur la civilisation maya, en particulier sur l’importance de l’Inframonde, omniprésent dans l’iconographie et l’architecture de ce peuple. Il est conçu comme un univers à plusieurs facettes, comme le serpent bicéphale monstrueux : un côté vivant paré de symboles aquatiques, représentation de l’Inframonde « humide », et un côté décharné, orné de crânes et d’ossements : il s’agit de l’Inframonde « sec », celui de la mort. L’article suivant présente un résumé des connaissances astronomiques mayas et du fonctionnement extrêmement complexe de leurs calendriers, le calendrier solaire, le calendrier divinatoire et le « Compte Long ».
La deuxième partie de la revue est consacrée aux civilisations andines. A travers six articles, Carmen Bernard, professeur émérite à Paris X, Aïcha Bachir Bacha, enseignant d’archéologie à l’EHESS et Florence Quentin abordent plusieurs sujets, comme le culte des momies royales et les sacrifices en altitude pratiquaient par les Incas, le culte des astres et l’importance du soleil, les rôles féminins dans la société inca (les reines et les prêtresses), et encore les fêtes et les sanctuaires incas, la relation entre l’espace-temps, le concept de « huaca » en tant que forces divinisées matérialisées dans les montagnes, les plans d’eaux ou les momies et l’énigme des géoglyphes des Nazcas.
La revue donne ensuite des repères utiles à mieux localiser dans le temps les différentes cultures du Nouveau Monde, à travers un tableau qui résume les périodes chronologiques des civilisations amérindiennes, ainsi qu’une brève bibliographie pour chaque article.
Le seul bémol d’une publication qui a le mérite d’aborder à travers l’étude de plusieurs spécialistes l’univers complexe des religions précolombiennes est constitué par les apports des non-spécialistes, dont les contributions comptent plusieurs imprécisions et fautes, non seulement au niveau des informations données mais aussi des légendes des images et des photos qui accompagnent chaque article.
Voici les questions que le Hors-Série n° 13 de la revue « Le Monde des Religions » se propose d’explorer avec ses lecteurs. A travers vingt « clés de compréhension », c’est-à-dire vingt brefs articles, la revue essaie de mieux comprendre le fonctionnement des anciennes religions préhispaniques et leur panthéon, foisonnant et complexe aux yeux des néophytes.
Certains des spécialistes français les plus connus ont collaboré à la création de ce numéro, paru au début du mois d’avril.
Couverture du Hors-Série n° 13 "Le Monde des Religions".
Photo retrouvée le 8/5/2010 sur :
Christian Duverger, directeur d’étude à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), ouvre le dossier consacré aux civilisations méso-américaines avec un article sur l’espace-temps. Il aborde notamment l’idée d’une pensée religieuse « métisse », là où le panthéon des peuples nomades et chasseurs du nord du Mexique, caractérisé par des divinités stellaires, se mélange avec celui des peuples sédentarisés, dont les cultes principaux sont ceux des dieux du maïs et de la pluie. Plusieurs exemples sont proposés, comme le cas de Xipe Totec, « Notre Seigneur l’Ecorché », divinité au début liée à un petit groupe humain et ensuite « exporté » en toute la Méso-Amérique.
C’est Guilhem Olivier, professeur et chercheur à l’Universidad Nacional Autónoma de Mexico, à prendre la suite, avec un article consacré à la lutte mythique entre Quetzalcoatl, le « Serpent à plumes », et Tezcatlipoca, le « Seigneur au Miroir Fumant ». Il aborde aussi les récits mythiques des anciens Mexicains, avec les créations successives des ères du monde, la naissance du soleil et de la lune à Teotihuancan, la naissance du chant et l’idée très discutée selon laquelle les indigènes auraient vu dans l’arrivée des Espagnols, en 1519, le « retour » de Quetzalcoatl. Une partie de l’article résume la biographie et la méthodologie de travail de Bernardino de Sahagún par rapport à l’étude de la civilisation aztèque. Ces mêmes thèmes mythologiques sont ensuite abordés par Eric Taladoire, Professeur d’Archéologie précolombienne à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, en relation au monde maya. La cosmologie maya, avec sa mythologie fondée sur la succession des ères et la vision d’un cosmos divisé par rapport aux quatre points cardinaux et au centre, cinquième point, est ici présentée. La matérialisation « visuelle » de ces croyances est étudiée au niveau archéologique, comme c’est le cas du complexe de pyramides jumelles de Tikal. Un bref résumé est dédié au Popol Vuh, le livre sacré des Mayas Quiché.
Le dossier continue avec la présentation des principales divinités du panthéon aztèque et maya, par Florence Quentin, rédactrice en chef de ce hors-série, et par un autre article signé par Duverger, consacré à son interprétation « énergétique » du culte solaire aztèque, selon lequel cet astre, continuellement dans le risque d’épuiser son énergie, demande en permanence aux hommes à être alimenté avec les cœurs des sacrifiés.
C’est encore Florence Quentin à prendre la suite, avec une brève présentation de la figure mythique de Quetzalcoatl, le « Serpent à plumes », et en particulier à la chute de Tollan et à la transformation du dieu en la planète Venus. Michel Cazenave, écrivain et poète qui a dirigé « L’encyclopedie des symboles », présente un article consacré aux déesses aztèques, appelées « filles de la vieille mère », où il attire l’attention sur la caractéristique propre aux déesses aztèques de partager des traits communs, en relation avec l’eau, le maïs et la terre, ainsi qu’avec le domaine de la mort.
Nathalie Ragot, professeur à l’Université de Paris VII Diderot, consacre son étude aux rituels et aux fêtes aztèques : elle présente une liste des cérémonies des vingtaines de l’année solaire ainsi que quelques renseignements sur les fêtes « mobiles » liées au calendrier divinatoire et à la célébration du « Feu Nouveau ». Les fêtes sont présentées dans leurs activités principales, avec les nombreux rituels d’autosacrifices et pénitences qui précédaient le sacrifice d’une « ixiptla divine ». Ces rituels avaient le but d’assurer la bonne marche de l’univers, de prévenir la fin du monde et de veiller à que la terre donne ses fruits en abondance.
La fête de Xocotl Huetzi, Codex Borbonicus, planche n° 28.
Photo retrouvée le 8/5/2010 sur
Le thème du sacrifice humain en tant que offrande aux dieux et élément-clé du « noyau dur » de la pensée religieuse méso-américaine est étudié par Gregory Pereira, chargé de recherche au CNRS, au laboratoire « Archéologie des Amériques » (Paris I). Il souligne l’extension de cette pratique dans toute la Méso-Amérique, et non pas seulement dans la culture aztèque, et il attire l’attention sur l’importance d’expliquer ce phénomène à travers la compréhension des principes qui structuraient l’univers mésoaméricain, conçu comme une succession cyclique d’éléments antagonistes.
Le dernier article consacré au Mexique central est encore signé par Guilhem Olivier, où il aborde les différents au-delàs de la pensée religieuse aztèque, le mythe du maïs ainsi que l’idée d’un paradis durement gagné grâce à une vie de dévotion et de pénitence. Les derniers brefs dossiers dédiés à la Méso-Amérique, présentés par Eric Taladoire et Michel Cazenave, sont centrés sur la civilisation maya, en particulier sur l’importance de l’Inframonde, omniprésent dans l’iconographie et l’architecture de ce peuple. Il est conçu comme un univers à plusieurs facettes, comme le serpent bicéphale monstrueux : un côté vivant paré de symboles aquatiques, représentation de l’Inframonde « humide », et un côté décharné, orné de crânes et d’ossements : il s’agit de l’Inframonde « sec », celui de la mort. L’article suivant présente un résumé des connaissances astronomiques mayas et du fonctionnement extrêmement complexe de leurs calendriers, le calendrier solaire, le calendrier divinatoire et le « Compte Long ».
La deuxième partie de la revue est consacrée aux civilisations andines. A travers six articles, Carmen Bernard, professeur émérite à Paris X, Aïcha Bachir Bacha, enseignant d’archéologie à l’EHESS et Florence Quentin abordent plusieurs sujets, comme le culte des momies royales et les sacrifices en altitude pratiquaient par les Incas, le culte des astres et l’importance du soleil, les rôles féminins dans la société inca (les reines et les prêtresses), et encore les fêtes et les sanctuaires incas, la relation entre l’espace-temps, le concept de « huaca » en tant que forces divinisées matérialisées dans les montagnes, les plans d’eaux ou les momies et l’énigme des géoglyphes des Nazcas.
La revue donne ensuite des repères utiles à mieux localiser dans le temps les différentes cultures du Nouveau Monde, à travers un tableau qui résume les périodes chronologiques des civilisations amérindiennes, ainsi qu’une brève bibliographie pour chaque article.
Le seul bémol d’une publication qui a le mérite d’aborder à travers l’étude de plusieurs spécialistes l’univers complexe des religions précolombiennes est constitué par les apports des non-spécialistes, dont les contributions comptent plusieurs imprécisions et fautes, non seulement au niveau des informations données mais aussi des légendes des images et des photos qui accompagnent chaque article.
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